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Parenthèse pour francophones - 3
Carnets de voyage




En traversant ma péninsule au volant j'ai le temps de penser à plein de choses, surtout aux voyages de ma jeunesse. En hiver, alors que le travail se faisait rare, nous partions en voiture avec des copains, prenions la route pour aller à Barcelone, l'ancienne Barcelone, celle des quartiers non rénovés, des ramblas non aseptisées, la Barcelone où toutes les aventures étaient possibles...
Les ramblas où tu pouvais acheter des singes, des perroquets, des dépouilles des naufrages ou autres pillages, le royaume du pickpocket, de la pute, du sordide comme des rêves de terres inconnues...

Nous partions donc par les routes, les 4 voies n'existaient pas, passant par des petits villages côtiers maintenant devenus géhenne bétonnée pour touristes sans imagination. Nous offrions notre travail en échange de gîte, couvert et salle de bains, laver de la vaisselle, faire du nettoyage, ces échanges étaient naturels, personne ne se posait la question de la sécurité, des lois du travail, des X heures...

La côte espagnole avait une dimension humaine, les villages avaient une structure les pieds dans l'eau, nous étions heureux et décontractés malgré le franquisme, les gens étaient bienveillants, nous étions jeunes dans un monde encore fait à la dimension de l'homme. Plus pour longtemps, hélas...

Je me souviens aussi, encore plus loin dans le temps, j'avais une voisine qui nous emmenait, ses 4 enfants, un ou deux autres gamins du coin dont moi, faire des promenades dans sa peugeot bleu ciel. Elle préparait un énorme panier de nourriture et boissons, nous qui avions tous moins de 10 ans nous entassions pêle-mêle dans la voiture, chahutions, rigolions, nous chamaillions pour passer du siège avant au siège arrière...
C'était avant l'époque de la ceinture de sécurité et du siège enfant, la conduite était paresseuse, on doublait des ânes et des mules sur la route, le bonheur était insouciant, bon enfant, nous étions bien plus libres et ne mourrions pas davantage pour autant...

Oui, je sais, il y a 50 ans nous étions bien moins nombreux sur la planète, nous nous déplacions moins, on ne nous avait pas encore créé plein de besoins superficiels qui maintenant sont considérés comme indispensables...

À un magasin de station service j'ai regardé les gadgets en vente, kukumuxu fait des customs rigolos, je craque pour un pare soleil de pare brise avant (toujours utile chez nous) et deux rembourrages de ceinture de sécurité avec la vache symbole de cette marque débordant d'une deux chevaux qui rappelait à JP son périple de jeunesse au Cap Nord et, plus récemment, la voiture d'un ami qui se reconnaitra.

Quelques centaines de km plus loin nous nous sommes arrêtés sur une aire un peu pourrie, en bordure de laquelle quelques arbres prodiguaient leur ombre chétive. Près de nous une splendide deux chevaux noire et bordeaux, avec une remorque identique et assortie, le tout impeccable. Un couple de marocains d'une quarantaine d'années avec une petite fille d'une dizaine d'années. Je leur ai dit mon admiration pour la voiture, Jp a enchainé et de fil en aiguille ils ont partagé avec nous les fruits qu'ils étaient en train de manger. Pour se laver les mains ils avaient un bidon distributeur d'eau, une savonnette, des serviettes, tout un art de vivre en voyage...

Nous nous sommes quittés avec regret, conscients de vivre un de ces moments de rare privilège que la vie offre aux gens qui ont, comme on dit chez nous, un "cœur lavé".
Nous sommes repartis avec un melon du Maroc et des oranges, leur avons offert le pare soleil qui était fait pour eux... comme quoi le hasard fait bien les choses... mais es-ce vraiment le hasard? C'est un autre débat...
Nous sommes repartis vers chez nous et eux vers Marseille où leur fils ainé faisait un stage en vue de son master.

C'est ce que je regrette le plus, c'est que dans ce monde d’hypermarchés et centre commerciaux ce type de relations humaines n'est pas favorisé parce que pas rentable.
Que de moins en moins on laisse les gens regarder autour d'eux et voir les autres et non une image des autres.
Que les valeurs humaines deviennent celles de la frime, le paraitre avant tout, le "must have", esclavage des temps modernes.
Que les gens ne vivent plus en empathie avec les éléments, qu'ils ne sentent plus les vibrations de la terre sous leurs pieds nus...

Je vis dans un monde qui me déplait profondément. Je ne survis que grâce à des moments comme décrit plus haut, que par mes amis, mes amours et la part de rêve que la nature sauvage de mon pays permet encore.




Comme toujours l’auteur a tout invente, surtout quand comme moi il vient d’une autre planète… Donc il est clair que toute ressemblance entre des faits, gens ou lieux de cette terre n’est que coïncidence et n’implique aucune responsabilité pour l’auteur.

8 comments

Armando Taborda said:

...les mémoires sont presque toujours mieux que la réalité d'aujourd'hui...c'est la corrosion de la vie...
12 years ago ( translate )

Xata replied to Armando Taborda:

Il y a mémoire et mémoire... la vie de nos générations a certainement été une des plus éprouvées par le changement dans l'histoire: toi comme moi sommes nés dans un pays au mode de vie très en retard par rapport au reste de l'Europe, de ce presque âge médieval nous sommes passés à la haute technologie, de la survie au consumérisme presque obligé, d'un côté bon enfant à une agressivité presque institutionalisée, d'une sorte de joie enfantine malgré les difficultés à un état d'esprit d'insatisfaction permanente que les médias savent si bien entretenir...
Résister sans se corrompre est de plus en plus difficile.
12 years ago ( translate )

Armando Taborda replied to :

...absolument d'accord chère Isabel!...
12 years ago ( translate )

j-p l'@rchéo said:

Mémoires : ce sont nos légendes reconstituées, avec une touche de nostalgie...
12 years ago ( translate )

Xata replied to j-p l'@rchéo:

Bien vu JP. Dans un style drôle j'ai écrit un autre texte dans votre langue:
www.ipernity.com/blog/xata/358486
12 years ago ( translate )

Roland Platteau said:

oui sur cette infame mystification de "nos" ordures qu'on nous somme de trier : miiraslimake.over-blog.com/article-7039153.html
quand aŭ ayatollahs de la "sécurité" cacao.over-blog.fr/article-comment-a-t-on-survecu-67669065.html
11 years ago ( translate )

Xata replied to Roland Platteau:

Merci Roland, je ne résiste pas à reproduire ici ce texte figurant sur un de tes liens, il reproduit avec exactitude le mal être que nous ressentons à voir le monde tel qu'il est devenu: un monde de gens qui marchent sur la tête (on dit ça en français?)

" T'AS GRANDI AU COURS DES ANNEES 50, 60, 70 ... ?
COMMENT AS-TU PU SURVIVRE ? "

" Les voitures n'avaient ni ceintures de sécurité, ni appuie-tête, ni air bag, ni GPS.

Les lits à barreaux et les jouets étaient peints avec des laques douteuses
contenant du plomb et autres poisons.

Il n'y avait pas de sécurité enfants sur les portes de voiture, ni sur les prises de
courant, encore moins sur les nettoyants chimiques domestiques.
Les parents les planquaient, c'est tout.

Il n'y avait pas de casque pour faire du vélo.On buvait à même le tuyau
d'arrosage et pas des eaux minérales en bouteilles stériles.

On osait aller jouer ...
Fallait juste rentrer à la maison avant la nuit.

Il n'y avait pas de portables et personne ne savait où on traînait ...

Incroyable ...

Nous avions école jusqu'à midi et on rentrait manger à la maison à pied.

Eraflures, bras cassés, dents briséees, coudes écorchés, personne ne se
serait plaint, personne n'avait tort si ce n'était nous-mêmes.

On avalait des sucreries, du pain beurré, des boissons riches en sucre ...
On ne parlait pas d'obésité, nous étions actifs.

On se partageait à quatre une limonade au goulot, nul n'en est mort.
Pas de Play Station, Nintendo 64, Face Book, Twitter, Home Cinema, Wifi,
ADSL, Triple Play, Ipod, TV 150 chaînes, portables, ordinateurs, "chats" sur
Internet ...

SEULEMENT DES COPAINS ...


A pied, à vélo, on allait chez les copains, même s'ils habitaient à des kms ...

On entrait sans frapper et on allait faire les c ...

Si, si ! Dehors, et tout ça sans surveillance ! Pas possible !

On jouait au foot avec une seule cage, et si on perdait, pas de frustration ni de
"fin du monde".

Il y avait bien des élèves un peu en retard qui redoublaient. Baahh ... Personne
n'allait chez le psychologue ou le psychopédagogue.

On ne parlait pas de problèmes de concentration ou d'hyperactifs.
On redoublait simplement l'année et chacun avait sa chance.

Nous avions :

-- Libertés
-- Revers
-- Succès
-- Devoirs

... Et on apprenait à faire avec.

LA SEULE VRAIE QUESTION : COMMENT AVONS-NOUS FAIT POUR SURVIVRE ? ? ?

ET AVANT TOUT :
COMMENT AVONS NOUS PU DEVELOPPER NOTRE PERSONNALITE ? ? ?
11 years ago ( translate )

Ghislaine said:

J'aime ce texte.
J'aime ce "laisser venir à soi"
3 years ago ( translate )