Article précédent : la soupe polonaise Ce n'est pas le silence de la nuit noire de cette région peu industrialisée qui nous aura levé du lit mais une cacophonie de réveil tous réglés sur la même heure. Seul Claude dort encore. J'ai la charge de le réveiller. Il ne me sera pas utile d'insister, il se lève sans problème. Dans la salle à manger, les bols sont déjà installés. Dans la cuisine Francine s'affaire autour d'une gazinière qui a déjà bien vécue. Elle fait couler un café chaud dans une casserole d'aluminium déformée. Claude chante de nouveau : - "J'ai vu un élan, il est beau mon élan ..." Nous le faisons taire car la propriétaire dort encore. Elle n'a pas à se lever, comme nous, de nuit pour aller à la rencontre du plus grand et du plus remarquable des cervidés vivants. Il n'y a personne sur la route qui mène au marais. Claude s'est rendormi. Il ronfle déjà. Nous traversons depuis quelques minutes une grande forêt quand nous repérons deux yeux qui luisent dans la lumière des phares. Patrice effectue alors un mouvement qui place la voiture en travers du chemin. C'est un renard. Le goupil s'est arrêté sur place. Après un instant, il file vers le bas coté. Patrice manoeuvre de nouveau mais le renard est déjà dans les bois, tourne la tête vers nous puis disparaît dans le noir. Claude se rendort. Nous passons devant la tour d'observation empruntée la veille et continuons notre route vers l'endroit où deux voitures sont déjà arrêtées. Ce sont des photographes polonais et hongrois qui connaissent les lieux. S'ils sont là c'est qu'il y a quelque chose à voir. Nous descendons en silence de la voiture à l'exception de Claude qui claque la porte sans ménagement. - "Qu'est-ce qu'on va voir ?" demande-t'il en râlant. Personne ne répond. Un des photographes polonais nous montre du doigt l'emplacement qu'il surveille. Il s'agit d'un petit bosquet d'arbres bas entremêlés. Nous n'y voyons rien. Il insiste en parlant dans sa langue des phrases que nous ne comprenons pas. Après que nos yeux se soient adaptés à la noirceur de l'endroit, nous remarquons une masse sombre surmontée de bois. C'est un élan mâle bien camouflé dans son pelage de couleur brune. Il reste là, sans bouger, les yeux surveillant nos mouvements. De temps à autre, il pousse un "Hon !" sourd et relativement bref qui ne semble pas s'adresser à nous. Le polonais pointe du doigt le sol à cinq mètres du mâle. Sur l'herbe humide, la femelle est là, couchée entre trois souches d'arbustes et ne semble pas s'étonner de la situation. Nous sommes à quelques pas des deux animaux. Je place mon trépied solidement au sol et glisse le plateau rapide attaché à l'objectif dans la rotule. Je règle la hauteur pour que mon oeil soit confortablement installé contre l'oeilleton de l'appareil. Je règle les ISO sur 400. C'est peu mais les animaux semblent très statiques. Je place le déclencheur en mode retardé sur deux secondes. J'appuie sur le déclencheur, ne touche plus à rien. deux secondes plus tard, la photo est prise. Je vérifie. C'est assez correct. Un léger flou de bouger. La photo est prise au 6ème de seconde à F7.1. Je monte les ISO à 800. Difficile d'avoir les deux sujets ensemble. Je me déplace mais il est malaisé d'avoir quelque chose de propre dans cette jungle de branches et de feuillages. Les deux amoureux resteront là, parmi les branches, plus d'une heure avant de lever le camp, sans bruit. Ils disparaissent comme des fantômes au moment ou la lumière devient plus agréable. Une heure plus tard nous retrouverons la femelle. Elle sort des grandes herbes suivie de son petit de l'année. Le mâle semble avoir disparu. Prochain article : le voyage détourné. |
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