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Retour sur mon voyage en Pologne - le voyage détourné.
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Nous sommes là depuis des heures à contempler et prendre en photo le petit élan de l'année. Il est dans le marécage avec sa mère à moins de vingt mètres de nous. Tous les objectifs sont braqués sur lui mais il sait se cacher tantôt dans les herbes hautes, tantôt derrière sa mère. Il a tout d'un grand, la cloche sous un cou trapu, de larges babines et de longues pattes adaptées à la marche dans les marécages.

Le temps ne semble pas passer et pourtant, derrière nous, Claude fait les cent pas, il ronchonne, il tousse, il geint, il s'éloigne à plusieurs centaines de mètres et revient en signalant avoir vu un castor. Il y en a dans la région, beaucoup d'arbres ressemblent à des crayons taillés au canif, bien pointus.

Nous nous rendons à l'endroit où Claude dit avoir vu le rongeur. Il n'y a rien à voir. Nous revenons vers les élans. Claude râle de nouveau :

- Vous allez rester là longtemps ?

Les élans sont entrés dans les herbes hautes et la faim commence à se rappeler à nous. Claude est heureux de monter dans la voiture. Dès le moteur démarré, il s'endort.

Patrice nous conduit dans le restaurant du village, une bâtisse sans toit au crépi vert délavé. A l'étage, des fenêtres aux rideaux blancs, certainement les appartements du personnel. Nous entrons par la porte nommée RECEPCJA après être passé sous un préau de briques rouges ou deux tables et quelques bancs attentent le client.

Dans la salle de réception, il n'y a rien à voir sinon quelques peintures murales représentant les mammifères de la région. Nous longeons deux couloirs et entrons dans une grande salle au parquet verni, murs jaunes et poteaux rouges. Quatres énormes enceintes musicales sont placées aux coins de la pièce. Elles distillent une musique de discothèque. Huit tables recouvertes de nappes en papier sont alignées sur les cotés. Elles sont sobrement décorées d'un vase étroit et d'une fleur en papier. Les chaises sont habillées d'un tissu décoratif marron clair au motif végétal qui les recouvre, en jupe, jusqu'au bas des pattes.

Derrière le bar deux jeunes filles discutent entre elles. Elles ne semblent pas nous avoir remarqué. Patrice fait comme chez lui, nous place à la table la plus proche du bar, prend les menus et nous les distribue. Tout est écrit en polonais. Patrice nous en fait en description approximative. Comme nous mangerons fréquemment dans cet endroit je décide de commencer mes commandes par le haut de la liste. Demain je choisirais le second menu.

Pendant le repas, Claude nous signale qu'il en à marre des élans. Que maintenant "ça allait bien comme ça". Il veut rentrer chez lui. Patrice lui répond que ce n'est pas possible, c'est un voyage dédié aux élans et il n'y a pas de taxi dans cette campagne profonde pour l'emmener à l'aéroport.

- "Tu n'as qu'à me ramener à Varsovie avec ta voiture !" exige Claude.

Nous nous regardons tous interloqués, Varsovie est à une demi-journée de voiture d'ici. Après de longues discussions nous apprenons que Claude devait faire un tout autre voyage. Il s'était inscrit dans une agence pour le Canada. Il devait voir des ours, des élans, des rapaces, des baleines mais il était le seul inscrit et son agence, pour ne pas perdre l'affaire, a négocié avec la notre son transfert sur le brâme des élans. Claude aimerait bien voir d'autres animaux.

Voir d'autres animaux n'était pas pour nous déplaire mais Patrice n'avait pas prévu ce changement. Quoi voir ? Ce n'est pas la saison des oiseaux. Ils sont presque tous partis. Il reste encore quelques grues mais elles se préparent elles aussi à leur grande migration et Patrice ne sait pas à quel endroit les observer. Il y a bien des loups dans la région mais ils sont farouches et il faut faire des kilomètres à pieds pour les approcher. Claude n'est pas en état de marcher longtemps.

Nous passerons l'après-midi dans la voiture à essayer de trouver des oiseaux. Nous nous arrêterons près d'un observatoire placé au bord d'une route pour contempler l'étendue des marais. Quelques agriculteurs s'affairent au loin. Ils ramassent ce qu'ils peuvent des herbes et roseaux pour aider les animaux domestiques à passer l'hiver. Tout près d'eux nous repérons un aigle qui fouille le sol à la recherche de rongeur. Il est à peine visible. Nous l'observons aux jumelles. Claude ne l'a pas encore localisé. L'aigle grimpe sur une meule d'herbe. L'emplacement est plus facile à signaler. Claude aligne ses jumelles vers la meule et chante :

- "J'ai vu un aigle, qu'il est beau mon aigle ..."