Ce n'est pas sérieux, je pars demain à 600 km d'ici et j'ai accepté l'invitation de Laurent. Il aimerait absolument profiter de ce samedi que la météo prévoit ensoleillé. Il veut m'emmener prendre en photo les Martins pêcheurs qu'il a vu la semaine dernière près de l'étang de La Horre. - Pourquoi ne pas profiter de cette sortie pour partir plus tôt ? Et voir un lever de grue sur le lac du Der ? Ca te dit ? Et moi, j'ai accepté. La semaine avait pourtant été difficile et chargée, la fatigue était là, bien présente. J'avais besoin d'une semaine de repos et m'apprêtais à prendre quelques jours de vacances près de la baie du Mont St Michel. - A demain 6 heures, me lance t'il avant de rentrer chez lui. L'occasion d'une sortie au Der m'a enlevée la fatigue et le réveil n'a pas eu de mal à me lever du lit dès 5 heures du matin. Un oeil sur le thermomètre: moins quinze. Je double les chaussettes, enfile une chemise de trappeur, vérifie que les gants sont dans les poches de ma tenue d'hiver et, une fois prêt, j'attends. La lueur des phares d'une voiture éclaire l'impasse. Laurent est au rendez-vous. Je prends la cagoule et le sac photo, descend au garage, prend le trépied et met tout ça, bonhomme compris, dans la voiture de Laurent. A peine la portière fermée, nous voici partis. Peu de monde sur la route, il fait encore noir, c'est samedi, les camions ne roulent pas. Nous parlons, chacun notre tour, des petites histoires du boulot. Il est dans le bâtiment, moi dans l'informatique, mais les sujets sont quasiment les mêmes, les chantiers qui n'avancent pas, la paperasse administrative, les relations avec les collègues, etc. Tout en roulant, la nuit noire devient plus blanche et nous nous approchons sérieusement du lac. - Où va-t'on ? Me demande-t'il. A la cornée ou sur la digue ? La digue nous semble le moins mauvais choix. Nous y garons la voiture près des grosses pierres. Sur l'une d'elle un sac de graisse a été abandonné aux oiseaux. Ils en ont besoin. Il fait vraiment très froid et le vent sur le lac amplifie cette sensation désagréable de n'avoir pas mis suffisamment de vêtement sur le dos. Le lac est complètement gelé. C'est inhabituel et magnifique à la fois. Nous y descendons prudemment. Nous devons trouver un endroit à l'abri du vent et ouvert à la prise de vues. C'est chose faite rapidement. Les grues sont là, elles s'excitent au loin. Deux d'entre elles passent au dessus de nous. Le silence revient. Les lueurs du jour naissant nous montrent un ciel sans nuage. Les couleurs sont partout reflétées par la glace. Le soleil n'est pas encore là mais on y voit clair. Là, des cailloux ont été lancés pour essayer de briser la glace. Des gamins sans doute ou bien des adultes qui ont gardé leur âme d'enfant, qui sait ? Ailleurs, se sont quelques arbustes les pieds enveloppés de chaussettes de glace. L'air, coincé sous la glace, cherche à sortir et provoque de grands bruits sourds. C'est vraiment impressionnant. C'est beau. C'est grand. Malgré ses airs artificiels, le Der est un lac qui sait dire que la nature est belle. Nous prenons des photos à droite, à gauche, à plat ventre sur la glace, debout. L'objectif à longue focale fait vite la place à une focale plus courte et au champ large. Les oies sauvages sont alignées en rang, loin de nous. Elles sont les premières à partir. Tout d'abord par petites troupes puis par flots plus soutenus auquel se mêlent deux ou trois grues. Le ciel est rougeâtre près du sol et d'un bleu de plus en plus sombre au dessus. Le soleil ne devrait plus tarder. Nous avons hâte car il fait froid. Enlever un gant et c'est, à coup sur et en quelques secondes, la main toute entière qui se gèle. Il faut compter plusieurs minutes pour la réchauffer. Le soleil apparait enfin, timide au début puis, bien rond et rougeot, il embrase le miroir de glace. Les oies sauvages profitent de cette chaleur nouvelle pour prendre leur envol et passer devant ce cercle de feu. Les grues font de même mais passent plus haut. Elles profitent de ce phare qui se lève à l'est pour prendre la direction des gagnages repérés la veille. La terre est dure comme du béton, elles devront se contenter des jeunes pousses plantées par les agriculteurs pour retrouver des forces et tenir le restant de l'hiver. Le soleil est levé nous retournons à la voiture prendre un café chaud. Nous prendrons ensuite la direction de La Horre. Monsieur et madame Martin nous y attendent. | |
1 comment
Alain Alzy said:
quelle plume ce Alain .....!