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L’UNESCO et l’espéranto
L’Unesco et l’espéranto
François Lo Jacomo
Janvier 2020



(François Lo Jacomo, Boulogne 2005 Espéranto)

Lancé en
18871 par l’oculiste polonais Ludwik Lejzer Zamenhof, l’espéranto a vite progressé, avec l’organisation en 1905 de son premier congrès universel à Boulogne-sur-Mer (France). L’UEA (Association Universelle d’Espéranto), fondée en 1908, a rapidement compté des milliers de membres et des centaines de délégués. Dès la fondation de la Société des Nations en 1919, une douzaine de pays (représentant la moitié de la population mondiale2) ont recommandé l’ensei-gnement de l’espéranto ; le secrétaire général adjoint Inazô Nitobe a rédigé un rapport favorable en 1921, mais la France notamment s’y est opposée.

En 1949, l’UEA a fait signer par 500 organisations ainsi que 900 000 personnes de 76 pays une pétition invitant les Nations Unies à développer l’espéranto et encourager son enseignement. Mais en 1954, la conférence générale de l’Unesco de Montévidéo (Uruguay) a tout d’abord rejeté cette résolution, avant d’accepter, grâce à l’insistance d’Ivo Lapenna (juriste yougoslave puis britannique) et à l’appui de la population locale, une résolution un peu différente :







Résolution adoptée le 10 décembre 1954, en dix-huitième séance plénière.

IV.1.4.422La Conférence générale,

Après discussion du rapport du Directeur général sur la pétition internationale en faveur de l’espéranto (8C/PRG/3),

IV.1.4.4221Note les résultats obtenus au moyen de l’espéranto dans les échanges intellectuels internationaux et pour le rapprochement des peuples ;

IV.1.4.4222Constate que ces résultats correspondent aux buts et idéaux de l’Unesco ;

IV.1.4.4223Note que plusieurs États membres se sont déclarés prêts à introduire ou à développer l’enseignement de l’espéranto dans leurs écoles primaires, secondaires ou supérieures, et invite ces États membres à tenir le Directeur général informé des résultats obtenus dans ce domaine ;

IV.1.4.4224Autorise le Directeur général à suivre les expériences concernant l’utilisation de l’espéranto pour l’éducation, la science et la culture et à collaborer à cette fin avec l’Association universelle de l’espéranto dans les domaines intéressant les deux organisations.

Pendant cette conférence générale (1954), l’UEA a été admise en relation consultative avec l’Unesco. Dans les années 1970, l’enseignement de l’espéranto dans les écoles s’est largement développé sous l’impulsion notamment du philologue hongrois István Szerdahelyi. En 1977, la Ligue internationale des enseignants espérantistes (ILEI) a été admise à son tour en partenariat avec l’Unesco, en catégorie C (l’UEA étant en catégorie B).

La même année, le Directeur Général de l’Unesco, Amadou Mahtar M’Bow, s’est rendu à Reykjavik (Islande), à l’invitation de l’UEA, pour prendre la parole3 devant le Congrès Universel d’Espéranto. Le rapport MacBride (1980) a attiré l’attention sur le problème de la communication, mais l’année mondiale des communications (1983) aurait pu s’intéresser davantage aux aspects linguistiques.

À l’approche du centenaire de l’espéranto (1987), plusieurs événements méritent d’être signalés :

En 1985, à l’initiative de l’explorateur Tibor Sekelj (citoyen du monde yougoslave d’origine hongroise), l’Unesco a adopté une seconde résolution favorable à l’espéranto :


Résolution adoptée le 8 novembre 1985, en trente-sixième séance plénière.

Conférence générale de l’Unesco. 23e session. Sofia (Bulgarie).

11.11 – Célébration du centenaire de la création de l’espéranto.

La Conférence générale,

Considérant qu’à sa session de 1954, tenue à Montevideo, elle avait, par sa résolution IV.1.4.422-4224, pris note des résultats obtenus au moyen de cette langue internationale qu’est l’espéranto sur le plan des échanges intellectuels internationaux et de la compréhension mutuelle entre les peuples du monde, et reconnu qu’ils allaient dans le sens des objectifs et des idéaux de l’Unesco,

Rappelant que l’espéranto a depuis lors beaucoup progressé en tant qu’instrument de la compréhension mutuelle entre peuples et cultures de pays différents, en pénétrant dans la plupart des régions du monde et la plupart des activités humaines,

Reconnaissant les grandes possibilités qu’offre l’espéranto pour la compréhension internationale et la communication entre peuples de différentes nationalités,

Notant la très importante contribution du mouvement espérantiste, et en particulier de l’Association universelle d’espéranto, à la diffusion d’infor-mations sur les activités de l’Unesco, ainsi que sa participation à ces activités,

Tenant compte du fait qu’en 1987 sera célébré le centenaire de la création de l’espéranto,

1. Présente ses félicitations au mouvement espérantiste à l’occasion de son centième anniversaire ;

2. Prie le Directeur général de continuer à suivre avec attention le développement de l’espéranto comme moyen d’améliorer la compréhension entre nations et cultures différentes ;

3. Invite les États-membres à marquer le centenaire de l’espéranto par des dispositions appropriées, déclarations, émissions spéciales de timbres-poste et autres, et à promouvoir l’introduction d’un programme d’études sur le problème des langues et sur l’espéranto dans leurs écoles et leurs établissements d’enseignement supérieur ;

4. Recommande aux organisations internationales non gouvernementales de s’associer à la célébration du centenaire de l’espéranto et d’étudier la possibilité d’utiliser l’espéranto comme moyen de diffuser parmi leurs membres toutes sortes d’informations, y compris sur les activités de l’Unesco.

Du 25 au 27 novembre 1985, l’Unesco a financé un colloque de trois jours dans ses locaux (salle VI) sur Plurilinguisme et communication, organisé par l’Association Universelle d’Espéranto, dont les Actes ont été édités en 500 exemplaires (dont 25 pour l’Unesco).

Au cours d’une cérémonie inaugurant le centenaire de l’espéranto, le 16 décembre 1986, le prix Zamenhof a été remis à Amadou Mahtar M’Bow, Directeur Général de l’Unesco4.

Dans les années 1990, l’Unesco a redéfini ses critères de partenariat et de nombreuses Organisations Non Gouvernementales ont été rayées des listes, soit parce qu’elles ne collaboraient pas suffisamment avec l’Unesco, soit parce qu’elles n’étaient pas assez internationales, notamment guère présentes en Afrique. L’Association Universelle d’Espéranto a sauvé son partenariat, mais la Ligue Internationale des Enseignants Espérantistes (ILEI) l’a perdu. Néanmoins, elle n’a pas cessé d’être invitée régulièrement aux Conférences Générales et autres événements de l’Unesco, auxquels elle est présente avec assiduité.

L’Afrique a longtemps été un point faible de l’espéranto, bien que déjà Tibor Sekelj, dans les années 1980, ait préconisé d’y organiser un congrès universel d’espéranto. Mais depuis un peu plus de dix ans, l’espéranto se développe considérablement en Afrique, grâce notamment à Mireille Grosjean, actuelle présidente de l’ILEI. En 2008, la conférence internationale des enseignants espérantistes s’est tenue au Bénin, et en 2017, le congrès international de la jeunesse espérantiste, au Togo.

L’organisation TEJO, Organisation Mondiale de la Jeunesse Espérantiste, section des jeunes de l’UEA, a acquis son autonomie en 2017 afin de développer ses propres partenariats. A ce titre, elle sollicite (tout comme l’ILEI) de (re)devenir partenaire de l’Unesco.

En 2000, l’UEA a largement contribué à la signature du « Manifesto 2000 pour une culture de paix et de non-violence ».

En 2008, année des langues, les espérantistes ont aidé à traduire dans un grand nombre de langues le message inaugural de Koïchiro Matsuura, Directeur Général de l’Unesco.

Le 15 décembre 2008, à l’approche du 150e anniversaire5 de la naissance de Ludwik Lejzer Zamenhof, l’UEA a organisé, avec les délégations de Pologne et de Lituanie, une conférence à la maison de l’Unesco (salle II) intitulée : « L’espéranto, langue équitable ».

L’Unesco s’est associée au 100e anniversaire, en 2017, de la mort de Ludwik Lejzer Zamenhof, et a accueilli dans ses locaux (salle II), le 11 décembre 2017, à la demande de la Pologne, un colloque intitulé : « Mondialisation, internet, courrier de l’Unesco : où en est l’espéranto cent ans après la mort de Zamenhof ? ». Les Actes de ce colloque doivent paraître prochainement.

La parution en espéranto du Courrier de l’Unesco, dès 2017, réalisée par Trezoro Huang Yinbao, est un événement majeur du mouvement espérantiste. L’UEA entreprend également la traduction en espéranto du livre : Des idées aux actes, 70 années d’Unesco. Par ailleurs, dans sa série « Orient – Occident », l’UEA a diffusé en espéranto déjà 56 œuvres maîtresses de nombreuses cultures du monde.

Aujourd’hui, l’UEA collabore activement avec l’Unesco, en prenant la parole6 aux Conférences Générales et en participant à l’organisation des forums (forum 2020 sur la citoyenneté mondiale notamment), ainsi qu’au festival pour la paix (2020) organisé par le Comité de Liaison ONG Unesco et dont l’espéranto est une des quatre langues de travail.

L’UEA collabore plus généralement avec les Nations Unies, et a été élue en 2018 membre du Bureau de CoNGO (Conférence des ONG ayant des relations consultatives avec les Nations Unies), où elle est représentée par Humphrey Tonkin. Les thèmes de nos congrès mondiaux sont choisis en concordance avec les thèmes des années internationales des Nations Unies. Notre prochain congrès universel (Montréal, Canada, 1er – 8 août 2020) aura d’ailleurs pour thème : « Les 75 ans des Nations Unies : dialogue et intercompréhension dans un monde qui change ».

Une journée du 70e anniversaire des citoyens du monde, organisée par l’association Pangée ONG, s’est déroulée à l’Unesco (20 novembre 2018) sous le patronage de l’Unesco, et l’espéranto y était bien représenté. Les Actes vont bientôt paraître.

L’espéranto figure depuis 2014 sur la liste nationale de Pologne du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, et depuis 2019 sur celle de la Croatie. L’UEA sollicite son inscription sur la liste de l’Unesco représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.



ANNEXES
2024-10-08 afiŝo montevideo

Discours d’Amadou Mahtar M’Bow – Reykjavik, 31 juillet 1977

Discours d’Amadou Mahtar M’Bow – Paris, 16 décembre 1986

Message d’Audrey Azoulay – 29 juillet 2018

Intervention de Rakoen Maertens – 6 novembre 2017

Intervention de François Lo Jacomo – 16 novembre 2019

Documents annexes :
www.ipernity.com/blog/32119/4729656