Camouflé sous les branches du cognassier, Pompon a une vue imprenable sur le truc en plumes des mésanges qui vont et viennent sur le perchoir. Toutes ces paupiettes entrelardées qui volent....! Plus aplati qu'une limande dans les sables atlantiques, il se confond avec la neige et le reste des feuilles mortes, il fait corps avec la banquise, un peu fraîche à son goût et attend...Quelqu'un s'aventurera bien ramasser les miettes au ras de ses moustaches...
Là-haut, le festival de cannes continue de se déployer autour de la mangeoire, les cosses de tournesol pleuvent sur la tête du sorcier du lac des cygnes qui n'en a cure... il bave de convoitise et ne peut s'empêcher de chevroter, l'oeil vrillé sur les tutus qui virevoltent, comme un vieillard lubrique derrière ses volets. La mangeoire vient à cet instant d'être envahie par une bande de loubards encapuchonnés, les chardonnerets. Les mésanges ont beau crier au scandale, ils ont la supériorité du nombre. Qu'à cela ne tienne, on se replie sur les boules qu'elles occupent séance tenante, à quatre sur la même.
Juste dessous, Pompon sent qu'il se congèle inexorablement. Encore cinq minutes et il est bon pour Findus. L'aurait-on repéré par hasard ? Personne ne se risque au sol. Pourtant, c'est plein d'épaves succulentes... Les chardonnerets s'injurient, les mésanges leur en repassent une couche, on en a plein les oreilles...Bon, encore cinq minutes...
C'est alors qu'une grosse mésange charbonnière vient chercher à s'insinuer sur la boule entre les mésanges bleues. Ce qui doit arriver arrive et le filet cède... Gare là-dessous, Pompon prend la mappemonde en pleine figure...

Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse. Pompon déplie ses muscles engourdis. Bon. Et bien tant pis pour les ortolans sur porcelaine de Limoges. Allons réchauffer la gamelle... Il y a des jours comme ça où le casse croûte du prolétaire a un petit goût amer...