Parmi les images qui restent à jamais gravées dans la rétine d’une génération, à côté de celles de l’alunissage d’Appolo 11, il y a, assez curieusement… Le Discorama de Rhoda Scott.Un dimanche matin, la gracile silhouette d’une jeune femme noire aux cheveux coupés très court, s’était incrustée par surprise sur l’unique chaîne de télévision en noir et blanc.Elle y jouait de l’orgue les pieds nus, ce qui lui valut le surnom de «l’organiste aux pieds nus» et une célébrité instantanée ainsi qu’à son instrument, l’orgue Hammond, dont on n’a jamais non plus oublié le son magique… Un demi-siècle plus tard, Rhoda Scott se matérialise à nouveau devant nous, dans les backstages du théâtre de Verdure, à quelques heures de son passage au Nice Jazz Festival. Sagement assise sur un tabouret, pieds chaussés de sandales et cheveux tressés, mais grâce inchangée.Contre l’avis de sa fille qui voulait la préserver de la chaleur et de la fatigue (bien que toujours pimpante, elle vient tout de même de fêter ses 80 printemps), Rhoda a accepté de nous rencontrer .En souvenir, nous confie-t-elle, du temps où on la croisait chaque été aux Soirées Blanches d’Eddie Barclay à Ramatuelle.«Le lendemain, on s’arrachait le journal pour voir qui était dedans!» se souvient-elle en souriant…
Eddie Barclay, une rencontre majeure?
Et comment! C’est grâce à lui si j’ai fait carrière en France. Je pense toujours beaucoup à lui.Il nous manque tellement! Il avait le sens de la fête et un véritable amour des musiciens.Et c’était un ami très fidèle.
Il y en a eu d’autres?
Beaucoup, oui.J’ai eu la grande chance de côtoyer des musiciens et des personnalités de premier plan.Count Basie, le premier qui m’a donné ma chance.Et Thelonius Monk qui m’impressionnait tellement, malgré sa gentillesse et son humour…
Et dans la jeune génération?
J’aime beaucoup Cory Henry qui, en plus de son talent est d‘une grande gentillesse.A de rares exceptions près, les musiciens sont des gens très gentils.
Vous n’avez jamais souffert d’être femme et noire?
Souffert, non.Ressenti oui, tout le temps. Je me souviens d’un patron de bar, où je jouais dans les années 60 en Virginie qui m’avait interdit d’aller dans la salle après le show. On ne parlait pas, non plus, de harcèlement, à cette époque.On croyait que c’était normal et qu’il fallait subir. Ca a quand même un peu changé depuis, heureusement.
Qu’est-ce qui a le plus changé selon vous?
L’idée qu’on se fait du jazz.Quand j’ai commencé, parce que j’avais du succès et que je passais à la télé, la police du jazz me détestait.Quand je jouais West Side Story ou du Stevie Wonder, on me disait que ce n’était pas du jazz, que je ne faisais que de la musique commerciale. Aujourd’hui heureusement, le jazz s’est ouvert.On le voit bien ici, au Nice Jazz Festival, il y a même des rappeurs et c’est très bien comme ça.
Un nouvel album en vue avec votre quartet féminin?
On a de nouveaux titres, il faut juste qu’on trouve le temps de les enregistrer. Les filles me poussent au c… Ca me garde éveillée. 80 ans quand j’y pense, ça m’impressionne un peu.Mais tant que j’ai l’énergie pour les concerts, je continue.
Qu’est ce qui vous a décidé à vous installer en France?
C’est là que j’ai connu mon premier grand succès.Puis je me suis mariée avec un français (1), nous avons eu des enfants et des petits enfants.Lorsqu’il est décédé, je suis retournée vivre quelques années aux États-Unis mais mes petits enfants me manquaient trop.je suis revenue.Et maintenant, j’y suis, j’y reste! (rires)
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