Ca commence dans un couloir d’hôpital où des bébés emmaillotés, serrés comme des sardines sur un chariot, sont amenés à leur mère pour l’allaitement. L’une d’elles, Ayka (Samal Yesyamova) fonce d’abord aux toilettes. Pas pour y soulager un besoin légitime, mais pour se faire la malle par la fenêtre en abandonnant son bébé.On la suit dans les rues de Moscou où, bravant la tempête de neige qui fait les gros titres des journaux télévisés, elle se hâte vers l’entrepôt où elle travaille. Son boulot consiste à ébouillanter des poulets pour les plumer plus vite.Mais c’est elle qui se fait plumer.À la fin de la journée qu’Ayka a passée en partie aux toilettes pour éponger ses saignements post-accouchement, son patron disparaît avec sa cargaison de poulets plumés sans la payer. Commence alors un long périple en forme de chemin de croix dans les bas quartiers de la capitale Russe.Ayka doit absolument trouver un autre boulot et rembourser ce qu’elle avait emprunté à un usurier pour monter un atelier de couture qui a fait long feu. Mais ses papiers ne sont pas à jour et elle galère.Dès la première scène de rue, filmée caméra à l’épaule dans la nuque de l’héroïne, le cinéphile averti s’exclame: «Bon sang mais c’est bien sûr! C’est Rosetta-yika!». Comment, en effet, ne pas penser à la fameuse Palme d’or 1999 des frères Dardenne et à son émouvante interprète, Émilie Dequenne: Ayka est la version Kazakh de Rosetta.
Si on n’avait pas vu le film coup-de-poing des Dardenne, on aurait pris les paris pour la Palme. Dans une édition marquée par le grand retour des drames sociaux (Yomeddine, En Guerre, Les Eternels, Lazzaro Felice, Une Affaire de famille, Burning, Dogman, Capharnaüm...), Ayka est peut-être le plus frontal et le plus puissant.Il décrit de manière encore plus désespérée que Capharnaüm, l’enfer qu’est la vie des damnés de la Terre, dans un monde où 1 % de la population confisque 99 % des richesses.
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