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Le poirier sauvage (on l'a senti pousser!)
Rajouté in extremis à la Sélection officielle et projeté en dernier, devant une critique épuisée et encore jet laguée par le décalage horaire entre les séances officielles et celles de presse (Merci Thierry!), le nouveau film du réalisateur Turc chéri du Festival ne pouvait que marquer les esprits. On ne sort pas indemne de trois heures zéro huit de film presqu’uniquement basé sur des séquences de conversations pouvant s’étirer sur plus de 20 minutes. Depuis Uzak (Grand Prix 2003), on sait que ces tunnels de dialogues (le plus souvent acrimonieux) sont le péché mignon de Nuri Bilge Ceylan.Cela à tendance à s’aggraver avec le temps, mais les jurys cannois adorent.Après un Prix du jury (pour Les Climats en 2006) et un autre Grand Prix (Il était une fois en Anatolie en 2011), le maître Turc accédait enfin à la récompense suprême en 2014 avec Winter Sleep, drame intimiste traité comme une fresque épique, magnifié par la photographie des montagnes de Capadoce.Nuri Bilge Ceylan (que les critiques les moins sensibles à son génie ont rebaptisé Nuri Bilge C’est Lent) continue à creuser son sillon avec Le Poirier sauvage.Un nouveau drame bavard qui aurait pu s’intituler Sommeil d’automne. D’abord, parce que ça se passe en automne.Ensuite parce que nombre de festivaliers y ont bien dormi quand d’autres , aussi nombreux mais plus soucieux du confort de leur sommeil, ont lâché l’affaire au bout de deux heures pour rentrer à l’hôtel. C’est l’histoire de Sinan (Aydin Dogu Demirkol, auquel on a tout le loisir de trouver de faux airs de Sylvester Stallone et d’Al Pacino jeunes).Il étudie pour devenir instituteur, mais se demande s’il ne va pas plutôt finir dans la police anti-émeutes, où il y a plus de postes à pourvoir. À ses heures perdues, Sinan a écrit un recueil de nouvelles qu’il voudrait faire publier.Mais même au bled, où il retourne en attendant de décider de son avenir professionnel, on trouve que le titre (Le Poirier sauvage) n’est pas très vendeur.Le jeune homme, qui a une haute idée de lui-même, en conçoit quelque aigreur, qu’il déverse sur ses interlocuteurs au gré de ses rencontres: une ex-future conquête, le maire du village voisin, un écrivain local, deux imams… Mais c’est surtout son malheureux père, Idris (Murat Cemcir), joueur invétéré, faucheman et looser patenté, qui fait les frais de ses humeurs. Jusqu’à ce qu’ayant, à son tour, le sentiment d’avoir déjà raté sa vie, Sinan se redécouvre des affinités avec son géniteur… Le tout, donc, en 3h08 chrono, dans une campagne Anatolienne, sublimée par la lumière d’automne et la photographie de Gokhan Tiryaki. Le morceau de bravoure du film est une conversation théologique avec deux imams, chemin faisant entre le cabanon de campagne et l’appartement familial: dix kilomètres à pied (au bas mot), ça use, ça use. Et pas que les souliers!