Deuxième femme réalisatrice en compétition, Alice Rohrwacher est sans doute celle dont les chances au palmarès sont aujourd’hui les plus grandes.Surtout après l’erreur de casting Eva Husson et ses consternantes Filles du soleil.
Déjà récompensée d’un Grand Prix surprise en 2015 pour Les Merveilles, la réalisatrice italienne vise cette fois la Palme avec Heureux comme Lazzaro (Lazzaro Felice).Un conte moderne qui mêle critique sociale, mysticisme, naturalisme et fantastique, dans un bel hommage au grand cinéma italien (de L’arbre aux sabots à Affreux sales et méchants, les références y sont nombreuses).Salué par une standing ovation en séance officielle, le film a semble-t-il beaucoup plu au jury.
Il commence dans une plantation de tabac isolée de la campagne italienne où plusieurs familles de paysans, réduits au servage par une chatelaine et son métayer, vivent encore, comme au 19e siècle.Parmi les jeunes paysans, émerge la figure de Lazzaro (Adriano Tardiolo), simple d’esprit d’une extrême bonté, dont tout le monde profite plus ou moins. À commencer par le fils de la marquise, Tancredi (Luca Chikovani), qui, pour soutirer de l’argent à sa mère à l’idée d’organiser avec sa complicité un faux enlèvement. Traitée sur un mode naturaliste à la Olmi (avec un zeste de Bruno Dumont), cette première partie du film s’achève avec l’arrivée de la police et la mort accidentelle de Lazzaro. Comme le laissait prévoir son prénom, celui-ci ressuscite quelques années plus tard et retrouve sa famille qui vit désormais dans un bidonville d’une grande ville en bordure de la voie ferrée. Sans abandonner le réalisme, cette deuxième partie du film a une tonalité fantastique, voire mystique avec un Lazzaro christique, décidé à sauver même ceux qui l’ont trahi et abandonné...
Moins âpre et radical que Les Merveilles, dont le Grand Prix avait hérissé une partie de la critique et des festivaliers, Heureux comme Lazzaro semble bénéficier d’un meilleur accueil sur la Croisette.De là à en faire le favori pour la Palme d’or, il n’y a qu’un pas... Qu’on franchit résolument. Elle ne déparerait pas à côté de La Leçon de piano, unique Palme féminine à ce jour.
Philippe DUPUY
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