Le cri a fusé à l’ouverture du rideau: «Godard forever!».Bien qu’absent de Cannes, en raison d’un empêchement de type Suisse (au choix: trop vieux, pas intéressé, avait piscine…), le génie versatile du cinéma (87 ans aux fraises) a encore fait salle comble, hier après-midi au Grand Auditorium Lumière, pour la projection officielle de son nouveau film: Le Livre d’image.Un montage d’images de sources diverses (le plus souvent solarisées, décadrées ou au mauvais format et surchargées de titrailles illisibles), d’extraits de films si courts qu’on à juste le temps de reconnaître Depardieu ou Buster Keaton, de bouts de bandes sonores n’ayant aucun rapport et de citations lues d’une voix de plus en plus éraillée, en son tournant sur les enceintes de la salle: devant, derrière, sur les cotés… Le terme « expérimental convient parfaitement pour qualifier la chose. Sauf à penser que tout cela a été capturé et monté aléatoirement, façon Chatroulette, on peut y lire les obsessions récentes du maître.En vrac: la main («La vraie condition de l’Homme, c’est de penser avec ses mains»), Saint-Pétersbourg, les chemins de fer (en soutien aux cheminots grévistes?), la guerre surtout, dont il est dit qu’elle est «divine», «Parce c’est une Loi du monde»: «Tout doit être immolé sans fin». Des images d’exécutions de Daech et de répression policière illustrent (peut-être) cette forte pensée. Pour peu qu’on prenne la peine de feuilleter ce Livre d’image sans énervement, a priori, ni œillères (1h25, c’est supportable), on pourra en retirer une émotion esthétique, une impression, une hypothèse à vérifier.Celle-ci, par exemple: «La seule chose qui survive à une époque, c’est la forme d’art qu’elle s’est créée». Le cinéma survivra donc à Godard.Qui aura tout fait, jusqu’au bout, pour le faire sortir du cadre.
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