Loading
Leto : Kyrill et les sons (des années 80)
La femme est l’avenir de l’Homme, c’est entendu, mais on sait depuis Yoko Ono que c’est la mort des groupes de rock. Sauf en URSS, si l’on en croit Kirill Serebrennikov.
A travers les destins contrariés de deux rockers vedettes de l’avant Glasnost (Viktor Tsoi et Mike Naumenko, aujourd’hui décédés), le réalisateur Russe s’emploie à montrer comment, au contraire, ils se sont entraidés jusqu’au bout pour contourner la censure et le blocus culturel. Et ce, malgré qu’ils soient amoureux de la même femme (jouée par la bien nommée Irina Starshenbaum en total look Ana Karina). Leur rivalité amoureuse est le seul ressort dramatique de ce biopic maniéré qui repose essentiellement sur la reconstitution (en noir et blanc estampillé Nouvelle Vague) du Leningrad underground des années 80.Avec un gros focus sur les scènes de concerts, de répétition et d’enregistrement, et une BO qui mélange les hits de l’époque (Kim Wilde, Talking Heads, Lou Reed) et ceux des deux décennies précédente (Kinks, TRex, Bowie) en versions russes.
En l’absence du jeune réalisateur, emprisonné dans son pays pour une sombre histoire de détournement de subventions, le film a déclenché sur la Croisette une première bouffée délirante d’avis dithyrambiques qui en font déjà, sinon la Palme d’or, du moins la Palme du cœur de l’édition. On est un peu moins enthousiaste. S’il faut reconnaître à Serebrennikov (Izmena, Le Disciple) une jolie patte et de bonnes références (Jules et Jim, par exemple), on reste quand même sur sa faim pour ce qui est du fond.La critique du régime ne dépasse guère la caricature de l’apparatchik auquel il faut expliquer que, pendant qu’ils écoutent du rock, tous ces jeunes chevelus ne pensent pas à (re)faire la révolution.Et pour ce qui est de la partie purement musicale, on pourrait écrire, sans vouloir être exagérément méchant, que Leto est à 24 Hour Party People (Michael Winterbottom 2002) ce que le rock russe est à Joy Division. Après trois films gentillets, on commence même à se demander si les choses sérieuses vont commencer, ou si on doit prendre un abonnement au Certain Regard (où l’on a vu le seul film digne d’une compétition cannoise : Donbass de Serguei Loznitsa).