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Rencontre avec Michel Jourdan
Michel Jourdan a écrit plus de mille chansons pour Aznavour, Julio Iglesias, Céline Dion, Mike Brant, Dalida, Calogero et Kendji Girac.Homme de l’ombre, il publie enfin ses mémoires

«Votre CV décoiffe! Quel parcours!» Le mot, griffonné à la main, est signé Jean-Jacques Goldman, en remerciement d’un texte que lui avait fait parvenir Michel Jourdan et sur lequel Goldman avait composé la musique. «C’était facile: la chanson est superbe» se souvient le chanteur. «Ce qui sort de sa plume, c’est dans la tête de tout le monde depuis 40 ans» dit de lui un autre connaisseur.Un certain Alain Souchon.Effectivement, il suffit d’égrener les titres écrits par Michel Jourdan pour avoir un panorama de la chanson française de 1964 à nos jours. Ca commence avec «Les vendanges de l’amour», tube de l’été 1964 chanté par Marie Laforêt, et ça continue avec «Il a neigé sur Yesterday» (Laforêt encore), «Qui saura» et «Rien qu’une larme» (Mike Brant), «La Bambola» et «Dans tes bras» (Dalida), «Vous les femmes» (Julio Iglesias), «Soleil, Soleil» (Nana Moukouri) , «Ca pleure aussi un homme» (Ginette Reno) , «Sur ton visage une larme» (Bobby Solo) , «Je vis pour elle» (Hélène Segara), jusqu’à Kyo («Mes racines et mes ailes») et Calogero («Si seulement je pouvais lui manquer») pour la jeune génération. Cette dernière chanson vaudra à Michel Jourdan une Victoire de la musique, en guise de consécration tardive. Pendant un demi-siècle, cet homme charmant et discret est, en effet, resté dans l’ombre des stars qui se sont approprié ses mots.Ce n’est qu’à la faveur de ses mémoires et d’un documentaire qui lui est consacré, que ce Niçois qui a côtoyé le gratin de la chanson internationale, apparaît enfin dans la lumière. Car, non content d’avoir fait chanter le ban et l’arrière-ban de la variété française (Dorothée fut l’une de ses plus grosses clientes), Jourdan s’enorgueillit de collaborations prestigieuses avec Céline Dion, Julio Iglesias, Barbra Streisand et… Frank Sinatra en personne!
«J’avais l’envie, pas la voix»
Des rencontres qu’il raconte d’une plume enjouée dans ses mémoires (1). Mais la partie la plus intéressante est peut-être celle consacrée à son enfance niçoise.Né en août 1934, d’un père pâtissier et d’une mère qui tenait le vestiaire au café Bono, le jeune Michel se destinait à la cordonnerie, mais fut détourné de cet artisanat par celui de la musique.A commencer par celle des films de Charlie Chaplin sur lesquelles il s’amusait à inventer des paroles. Après une brève carrière de chanteur dans les fêtes de patronage («J’avais l’envie, mais pas la voix»), Jourdan monte à Paris et force la porte de Gilbert Marouani, impresario en vogue, pour lui proposer un essai: «Donnez moi un air, je vous écris les paroles!».Epaté par son talent, Marouani lui confie la partition de ce qui deviendra «Les Vendanges de l’amour».La suite s’écrit en musique et s’étale sur cinq décennies. Jusqu’à Calogero , rencontré dans les bureaux du même Marouani et Kyo, de jeunes gars «qui, comme Calogero, n’ont pas le racisme de l’âge», tout le monde ou presque a chanté du Jourdan. «Il est un des derniers paroliers de cette génération dont j’apprécie fortement le travail, dit de lui Charles Aznavour.Il fait partie des authentiques artisans de notre métier». Sa dernière chanson, Michel Jourdan l’a écrite pour Nice, qu’il a quittée depuis bien longtemps mais n’a jamais oubliée.Elle s’intitule «Ma baie des anges» et parle d’un certain 14 juillet.C’est un autre niçois, Francis Lai, qui en a composé la musique et qui la chante.Il y est question d’ «un camion avec un barbare au volant» et du bonheur d’être Niçois, désormais suspendu «entre un avant et un après».
Philippe DUPUY
(1) Mes refrains font chanter le monde de Michel Jourdan aux éditions La Boîte de Pandore (445 pages 21,90 euros)