Dans L'orme du Mail, en 1897, M. Bergeret, « maître de conférences à la Faculté des lettres, qui passait pour un esprit distingué, mais bizarre » discute avec l'honnête, docte et monarchiste supérieur du grand séminaire, l'abbé Lantaigne :
« Monsieur l’abbé, je vais vous dire une grande vérité : tant que l’État se contente des ressources que lui fournissent les pauvres, tant qu’il a assez des subsides que lui assurent, avec une régularité mécanique, ceux qui travaillent de leurs mains, il vit heureux, tranquille, honoré. Les économistes et les financiers se plaisent à reconnaître sa probité.
Mais dès que ce malheureux État, pressé par le besoin, fait mine de demander de l’argent à ceux qui en ont, et de tirer des riches quelque faible contribution, on lui fait sentir qu’il commet un odieux attentat, viole tous les droits, manque de respect à la chose sacrée, détruit le commerce et l’industrie, et écrase les pauvres en touchant aux riches. On ne lui cache pas qu’il se déshonore. Et il tombe sous le mépris sincère des bons citoyens. Cependant la ruine vient lentement et sûrement. L’État touche à la rente. Il est perdu. »
Rien n'a donc changé depuis 1897, donc : tant que l'État se contente de prélever l'impôt sur les revenus du travail, continuant la tradition des tailles et gabelles de l'Ancien Régime, il a la faveur des possédants et on ne le remet pas en cause. Dès qu'il touche aux revenus de l'argent (que M. Bergeret, moins soucieux de modernisme que de brièveté, appelle toujours « la rente »), il est en butte au « mépris des bons citoyens » (voyez ce qui se passe aujourd'hui, avec un pouvoir qui n'est pourtant guère socialiste).
L'argument qu'on entend si souvent aujourd'hui se rencontrait donc déjà aussi : le gouvernement écrase les pauvres en touchant aux riches. Ce qui se dit aujourd'hui « détruire des emplois en faisant fuir les riches », chantage révolatnt dont on ne sent pas suffisamment le cynisme. En 1897, je pense que l'on se contentait de dire que les riches appauvris consommeraient moins, ce qui réduirait au chômage leurs domestiques et leurs fournisseurs. Le progrès technique n'avait pas encore permis de mettre en concurrence les travailleurs de tous les pays.
La démocratie, dont tout le monde (même les néo-nazis qui ont le vent en poupe plus que jamais) invoque la majesté tutélaire, est une quadrature du cercle : il s'agit de donner des droits à ceux qui n'en ont pas dans un système où l'argent reste le seul vrai pouvoir. Donc, en cas de difficulté, on crie haro sur le baudet, et les pauvres, bénéficiant de droits sur lesquels on espère récupérer encore quelques sous, sont prétendus responsables de tout désordre, qui serait dû à leur avidité démesurée...
« Monsieur l’abbé, je vais vous dire une grande vérité : tant que l’État se contente des ressources que lui fournissent les pauvres, tant qu’il a assez des subsides que lui assurent, avec une régularité mécanique, ceux qui travaillent de leurs mains, il vit heureux, tranquille, honoré. Les économistes et les financiers se plaisent à reconnaître sa probité.
Mais dès que ce malheureux État, pressé par le besoin, fait mine de demander de l’argent à ceux qui en ont, et de tirer des riches quelque faible contribution, on lui fait sentir qu’il commet un odieux attentat, viole tous les droits, manque de respect à la chose sacrée, détruit le commerce et l’industrie, et écrase les pauvres en touchant aux riches. On ne lui cache pas qu’il se déshonore. Et il tombe sous le mépris sincère des bons citoyens. Cependant la ruine vient lentement et sûrement. L’État touche à la rente. Il est perdu. »
Rien n'a donc changé depuis 1897, donc : tant que l'État se contente de prélever l'impôt sur les revenus du travail, continuant la tradition des tailles et gabelles de l'Ancien Régime, il a la faveur des possédants et on ne le remet pas en cause. Dès qu'il touche aux revenus de l'argent (que M. Bergeret, moins soucieux de modernisme que de brièveté, appelle toujours « la rente »), il est en butte au « mépris des bons citoyens » (voyez ce qui se passe aujourd'hui, avec un pouvoir qui n'est pourtant guère socialiste).
L'argument qu'on entend si souvent aujourd'hui se rencontrait donc déjà aussi : le gouvernement écrase les pauvres en touchant aux riches. Ce qui se dit aujourd'hui « détruire des emplois en faisant fuir les riches », chantage révolatnt dont on ne sent pas suffisamment le cynisme. En 1897, je pense que l'on se contentait de dire que les riches appauvris consommeraient moins, ce qui réduirait au chômage leurs domestiques et leurs fournisseurs. Le progrès technique n'avait pas encore permis de mettre en concurrence les travailleurs de tous les pays.
La démocratie, dont tout le monde (même les néo-nazis qui ont le vent en poupe plus que jamais) invoque la majesté tutélaire, est une quadrature du cercle : il s'agit de donner des droits à ceux qui n'en ont pas dans un système où l'argent reste le seul vrai pouvoir. Donc, en cas de difficulté, on crie haro sur le baudet, et les pauvres, bénéficiant de droits sur lesquels on espère récupérer encore quelques sous, sont prétendus responsables de tout désordre, qui serait dû à leur avidité démesurée...
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.
Lien de téléchargement des quatre romans au format epub en un volume
Au format ODT (source pour faire d'autres ebooks)
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