Il est environ 8h30. Je sors d'un sommeil fort réparateur. La veille a été chargée en actions diverses. Plus de 1500 photos sont au compteur de ma carte mémoire pour ce jeudi. Je suis prêt à recommencer mais pour le moment, j'occupe la salle de bain.

En fait, j'exagère un peu, la salle que j'occupe fait 2,50 m sur 1,50 m et il n'y a pas de quoi prendre un bain ni même une douche. Je me demande même pourquoi il y a un robinet au lavabo tant il est avare en eau. La tempête qui a sévi dans la région a endommagé les tuyauteries qui amènent l'eau de source au lodge.

Pendant que je rêvasse aux sources chaudes de Hot Spring ou nous devons nous rendre bientôt on frappe à la porte.
- "Alain ! Alain !"

Je ne reconnais pas la voix. Ce n'est pas Isabelle qui m'aurait parlé en français. C'est Stessy ou Vivian mais que veut-elle ?
-"E bair ! E bair ! Crois-je entendre. C'est vrai que je ne suis pas encore totalement réveillé.

"Une bière ? Mais ? Il n'est pas l'heure." pensais-je.

Je réponds avec mon accent champardennais :
-Ok, ok, aille caume !

Les trois filles sont dans la chambre du rez-de-chaussée. Elles regardent par la fenêtre qui donne sur l'arrière du lodge.
-"Alain ! A bear then close !"

-"Un ours, là tout proche !", me confirme Isabelle. "Chut ! Ne fais pas de bruit !"

Je jette un oeil par la fenêtre et repère l'animal. Il est tout proche. Il est imposant et semble tranquille, comme assoupi. Il n'est pas à plus de quatre mètre de la fenêtre. Celle-ci ne s'ouvre pas et les carreaux sont remplis de buées. Il faut sortir pour avoir des photos convenables d'autant que la lumière est pauvre.

Un contrôle rapide de l'appareil photo. La carte est présente, la batterie chargée. Je l'avais préparé la veille. Je sors du lodge flottant. Celui-ci est garni sur trois de ses coté de passage en bois. Les premières photos seront réalisées à bonne distance de l'animal. Il lui suffit d'un saut pour atteindre le lodge qui est ancré à quelques mètres du rivage. Prudemment je me rapproche de la cible me cachant derrière les bouteilles de gaz qui servent à chauffer le lodge et la nourriture.

Réveillé par nos agitations l'ours se lève, se déplace, se couche un peu plus loin, reste là un moment, se relève et, tranquillement, quitte l'endroit pour rejoindre l'intérieur de la forêt.

Ce fut une rencontre inattendue et intense avec cet animal emblématique de Gwaii Haanas. Il diffère de ces congénères continentaux par une mâchoire musclée. Le voir est un vrai privilège.