Loading
Un vieil homme est mort dans la solitude

15 Janvier 2018. Image crédit : Tony Hanscomb Photography

Par Man Filiser(australien)

Vieux grincheux

Infirmières que voyez-vous?… Qu’est-ce que vous voyez ?
Que pensez-vous… quand vous me regardez ?
Un vieux grincheux… pas très malin,
Incertain et impévisible… au regard lointain?
Qui bave sa nourriture… et ne répond rien.
Quand vous dites d’une voix forte… ‘Mais essayez au moins !‘
Qui semble ne pas remarquer… tout ce que vous faites.
Et qui perd sans arrêt… chaussure ou chaussette ?
Qui, de plein gré ou non… vous laisse faire à volonté,

Avec le bain et le repas… La longue journée à tuer ?
C’est ça que vous pensez ? … C’est ça que vous voyez ?
Alors ouvrez les yeux, infirmière… car vous vous trompez.
Je vais vous dire qui je suis… Tranquille je m’assieds,
Comme pour obéir à vos ordres… et suivre votre volonté.
Je suis le dernier de dix… d’un père et d’une mère,
Frères et sœurs… qui s’aiment et s’aimèrent
Un garçon de seize ans… avec des ailes aux pieds
Rêvant que bientôt… il verra sa bien-aimée.
Un marié de vingt ans… mon cœur fait une enjambée.



Me souvenant des veux… que jamais je ne trahirais.
A vingt-cinq ans déjà… J’ai un enfant à moi.
Que je dois guider… Et la chaleur d’un toit.
Un homme de trente ans… mes enfants vite grandis,
Attachés l’un à l’autre… par des liens infinis.
A quarante ans, mes jeunes fils… ont grandi et sont loin,
Mais ma douce est près de moi.. et s’assure que je vais bien.
A cinquante ans, une fois encore… des bébés jouent à mes pieds,
Des enfants, à nouveau… Moi et mes aimés.
La nuit est sur moi… Ma femme n’est plus de ce monde.
Je regarde l’avenir… et l’angoisse m’inonde.

Car mes jeunes s’occupent… avec leurs jeunes à eux.
Et je pense aux années… et aux jours heureux.
Je suis maintenant vieux… et la nature est cruelle aussi.
Vouloir ridiculiser la vieillesse… quelle ironie.
Le corps se disloque… grâce et vigueur m’ont quitté
Il y a maintenant une pierre… là où mon cœur habitait.
Mais dans cette vieille carcasse.. un jeune homme encore vit,
Et encore et toujours… mon cœur malmené grossit
Je me rappelle les joies… je me rappelle les maux.
Et j’aime et je vis… il est encore assez tôt
Je pense aux années, trop peu… et trop vite passées.
Et accepte le triste fait… que rien ne peut durer.
Alors ouvrez vos yeux, amis… ouvrez et voyez.
Pas un vieux grincheux, pas que cela.
Regardez plus près… et regardez… MOI !


4 comments

Annaig56 said:

touchant,, le grand age
6 years ago

Sylvie said:

émouvant ce texte ! et triste de vérité !
6 years ago ( translate )

Amelia said:

The text is sad but so real.
6 years ago

Eric Desjours said:

Infiniment émouvant, c'est vrai. Merci, chère Héléna, pour ce témoignage édifiant.

La relégation, terme tellement péjoratif (notamment dans le monde du foot), appliquée à quelqu'un que nous serons peut-être un jour et qui a encore toute sa tête, sa nostalgie et ses aspirations...
Que fait de nous cette société, pourtant héritière d'époques où l'Ancien était vénérable, à juste titre.
Les "jeunes loups" ont volé à notre vieillesse sa noblesse, ses atouts, sa mémoire séculaire et inappréciable, et jusqu'à sa dignité... Pour la remplacer par une mémoire et des procédés électroniques qui nous déshumanisent et nous remplaceront tous bientôt par des robots.
Et nous avons nul recours devant ce qui s'impose à nous comme "le progrès", que nous n'avons pas choisi et nous relègue à l'état de (re)producteur ou de débris quand notre obsolescence nous est dictée. De plus en plus rares sont nos enfants qui ne suivent pas le courant et continue, au moins, de nous aimer.

Triste monde qui ressemble plus au pire des mondes, pour paraphraser Huxley, qu'au paradis promis par nos religions - à l'issue du calvaire de notre vie, c'est vrai... (car, sans doute nous l'avons bien mérité).
7 months ago ( translate )