Le vu: je prends une photo et je veux qu'au bout du développement (digital ou argentique) la photo soit une reproduction fidèle, au premier degré, de ce que j'ai vu.

Le perçu: je veux que la photo soit fidèle à ma perception (au "ressenti ") de la scène. En ce sens, la photo acquiert les qualités et les défauts du souvenir ou du rêve. On veut reproduire fidèlement des sensations ou des émotions. La fidélité des paramètres photographiques tels que couleurs ou contraste ne se mesure plus par l'exactitude objective de la reproduction de la scène.

L'observé: la photographie scientifique ou technologique ne tient pas toujours à une reproduction visuelle exacte. Par exemple, il est commun d'utiliser de fausses couleurs pour faire ressortir des particularités importantes du sujet. La même technique peut être utilisée pour des buts artistiques.

L'abstrait: l'art (même les arts du mot parlé ou écrit) s'adresse en premier lieu au non-verbal et à l'émotion. Il n'est pas toujours nécessaire qu'une image contienne un sujet conventionnel pour faire passer un message à ces niveaux. Inversement, une image contenant un sujet conventionnel peut avoir des qualités abstraites introduites délibérément par l'artiste. En fait, tout art, même représentatif, a des qualités abstraites, qu'elles soient ou non intentionnelles. Il peut y avoir plusieurs couches de représentation dans une seule image, ce qui la rend d'autant plus intéressante. Ceci dit, pour être comprise par une tierce partie, une abstraction ne doit-elle pas répondre à des attentes de part et d'autre, suivre et briser des règles? Je crois que la réponse est, en général, "oui", mais avec des exceptions, car l'interprétation s'accompagne toujours d'une certaine ambiguité, et cette ambiguité même peut devenir un objet artistique. Mais on risque alors de tomber dans le solipsisme...