Crainte tropicale...
J’ai faim.
Devant moi, sous un soleil de plomb qui diffuse une lumière fer blanc, ils défilent comme des robots. Seuls leurs pas sont désynchronisés. Les camelots aux charrettes bariolées remplies de fruits, de sucreries et de jus glissent sur l’asphalte surchauffé. Des hommes décharnés à la peau prématurément ridée par la brûlure quotidienne du soleil, poussent péniblement leurs carrioles ou des montagnes de cartons aplatis et ficelés tanguent au gré des bosses et trous de l’avenue. En un manège ininterrompu, ils zigzaguent entre les files d’autobus, de camions, de voitures et de motos pétaradantes qui déguellent leurs haleines chaudes et noires. Sur les trottoirs, les servantes se hâtent d’une marche saccadée les bras lourdement chargées de victuailles. Derrière, d’un pas sénatorial des groupes d’hommes en costumes et cravates discutent tout en jetant un regard intéressé et jaugeur vers des femmes aux robes moulantes et aux décolletés généreux qui marchent perchées sur de hauts talons. Le balancement de leurs hanches rythme leurs conversations qui roulent le plus souvent sur la mode ou la cosmétique. Cachés derrière leurs lunettes de soleil leurs yeux de braise scrutent, évaluent les mâles costumés dont elles sentent dans leurs chairs la brûlante évaluation. Un groupe de touristes découvre étonné d’autres sons, d’autres odeurs, un autre monde. De jeunes adolescents à la peau dorée déambulent en riant pour un rien. Un couple de vieux à l’aspect surannée progresse lentement s’arrêtant à intervalles réguliers pour reprendre son souffle et regarder étonné ce fourmillement urbain dont il sait au crépuscule de sa vie, qu’il n’en fait plus partie. De-ci de-là, des policiers casqués en tenue kaki scrutent la foule de leurs regards supérieurs et suspicieux la main droite posée nonchalamment sur le pommeau de leurs matraques qui balancent le long de leurs jambes. A leur approche, assis sur mon carton, enfant mendiant seul au milieu de la foule indifférente, je me recroqueville tête baissée en espérant que dans ce paysage urbain tel une ombre, je passerai inaperçu. Ils m’ont vu, ils approchent…Jean Luc MONTANT, 20.06.2014
2 comments
Rita Guimaraes said:
Dans le XXI siècle?
Des mendiants?
Des enfants affamés?
Incroyable, n'est-ce pas?
Et le monde marche, indifférent, comme s´ils n'existaient pas.
Triste vérité.
Même pas la plus belle poésie peut calmer mon cœur.
Je les vois tous les jours, et je ne peux pas fermer mes yeux.
Je ne peux pas être indifférente.
Bisous, Jean.
C´est très beau ce que tu as écrit.
Jean Luc MONTANT replied to Rita Guimaraes:
Merci Gacinha :-)
La fête et les rires ne rempliront jamais les ventres affamés des gens pauvres qui se demandent aujourd'hui ce qu'ils trouveront à manger demain...
Bisous