Pour savoir à quel âge de leur terrible vie
Je trouve que les hommes sont les plus séduisants.
Et j'ai toujours répondu : mais, vers les cinquante ans.
Tout homme est un démon que son dévergondage
Fit un jour éjecter certes du paradis
Mais de tous ces démons, de tout temps, de tous âges
Mon démon préféré c'est le démon de midi.
Je ne veux pas, par-là, nier que le jeune homme
Possède la fraîcheur, le goût du jus de pomme,
Mais, petit à petit, en prenant des années
Ce jus devient alcool que l'on a raffiné.
Et c'est vers cinquante ans que l'alcool en question
Se trouve être fin près à la consommation.
A ce moment précis il a cette saveur,
Ce goût du vieux tonneau qui plaît aux connaisseurs.
Aux maintes occasions on est toutes ébaubies
Devant l'effort superbe du démon de midi.
Tenez, vous avez vu chaque été sur les plages
Ces jeunes gens qui sont dans la fleur de leur âge
Ils jouent au volley-ball, ils sautent ils sont agiles.
Or sauter à vingt ans ça n'est pas difficile,
Mais voilà tout à coup que le père de l'un d'eux,
Un homme de cinquante ans, veut rentrer dans le jeu.
Ce démon de midi, lui, il est formidable !
Il démontre aux blancs-becs ce dont il est capable.
A l'avant, à l'arrière il donne de la voix,
Quand le ballon surgit il crie : laissez-le moi !
On le sent contracté, mais ça, c'est parce qu'il rentre
Ce qui dépasse de son estomac, ou de son ventre.
A cet âge le champion fait souvent double effort
Le ventre il se le rentre et le ballon il sort.
Il donne au spectateur en montant au filet
L'image du taureau qui ne veut pas dételer.
Bien sûr ça ne dure pas.
Très vite il se relâche,
Les muscles du taureau lui font un tour de vache.
Son jeu devient poussif et son souffle oppressé,
Quelqu'un crie : vient papa il est midi passé !
Mais cette défaillance n'est pas assez sévère
Pour forcer le démon de midi à se taire.
En d'autres occasions il va se déchaîner
S'il invite, par exemple, une dame à déjeuner.
Car, lorsqu'il a vingt ans, l'homme est de ces ringards
Qui vous emmènent bouffer en vitesse au snack bar
Quand vous mourrez de faim à en être malade
Sans même vous consulter il commande une grillade.
Mais l'homme de cinquante, quand il habite la France,
Ça il vous vole jamais sur la question bouffetance.
C'est l'âge où, tout à coup, il dit à sa compagne
Qu'avec certains menus il faut boire du champagne.
Il vous commande des plats avec des tas d'épices
Quand il y a de la volaille il vous propose la cuisse
Et s'il y a des radis comme il a de la jujotte
Il ne vous propose pas nécessairement la botte
(Enfin, pas tout de suite en tout cas).
Enfin quoi, il sait vivre, son ventre est rebondi !
Mais quel coup de fourchette, ce démon de midi !
Bien sûr, quand on arrive aux crèmes pâtissières,
On sent que quelquefois son foie fait des colères.
Le teint devient plus rouge et le geste plus lent,
Le pauvre gros chéri est un peu somnolent.
Mais ça ne dure pas. Un coup de bicarbonate
Revoilà le démon de midi sur ses pattes.
Même si le repas fut vraiment indigeste,
Il est toujours fin prêt pour affronter la sieste.
(Comment le reste ? on a vécu hein)
C'est bien le genre d'occasions
Où la différence d'âge rentre en compétition.
Moi, vous savez, je suis un monceau d'innocence,
Mais quelques oreillers m'ont fait des confidences
Et, d'après ce qu'ils disent,il paraît qu'à vingt ans
L'homme se croit toujours aux vingt-quatre heures du Mans.
Il est fou de vitesse et, de toute évidence,
Il veut surtout gagner l'indice de performance.
Mais l'homme de cinquante ans apprécie la nature,
Il prend son temps, même pour enlever ses chaussures.
Enlever ses chaussures, c'est d'ailleurs quelquefois
Pour un homme de son âge les coulisses de l'exploit.
Et l'exploit, par lui-même, est à fortiori
Le fruit de l'expérience du démon de midi.
Car, pour de son moteur tirer le bénéfice,
Il s'arrête quand il faut à la station service.
Femmes qui m'écoutez, soyez donc raisonnables
Si vous avez en main ce modèle admirable,
L'homme d'un certain âge, superbe dans l'effort,
Ménagez-le, surtout, sinon vous auriez tort,
Ne l'accablez jamais de passions trop avides :
Tant va la cruche à l'eau qu'a la fin elle se vide.
Souvenez-vous toujours que lorsque midi sonne,
Il est midi passé et il n'y a peut-être plus personne.
Sitôt qu'un homme est mûr, entourez-le d'égards,
Car le meilleur démon, c'est à midi moins le quart.
ANNE MARIE CARRIERE
Possède la fraîcheur, le goût du jus de pomme,
Mais, petit à petit, en prenant des années
Ce jus devient alcool que l'on a raffiné.
Et c'est vers cinquante ans que l'alcool en question
Se trouve être fin près à la consommation.
A ce moment précis il a cette saveur,
Ce goût du vieux tonneau qui plaît aux connaisseurs.
Aux maintes occasions on est toutes ébaubies
Devant l'effort superbe du démon de midi.
Tenez, vous avez vu chaque été sur les plages
Ces jeunes gens qui sont dans la fleur de leur âge
Ils jouent au volley-ball, ils sautent ils sont agiles.
Or sauter à vingt ans ça n'est pas difficile,
Mais voilà tout à coup que le père de l'un d'eux,
Un homme de cinquante ans, veut rentrer dans le jeu.
Ce démon de midi, lui, il est formidable !
Il démontre aux blancs-becs ce dont il est capable.
A l'avant, à l'arrière il donne de la voix,
Quand le ballon surgit il crie : laissez-le moi !
On le sent contracté, mais ça, c'est parce qu'il rentre
Ce qui dépasse de son estomac, ou de son ventre.
A cet âge le champion fait souvent double effort
Le ventre il se le rentre et le ballon il sort.
Il donne au spectateur en montant au filet
L'image du taureau qui ne veut pas dételer.
Bien sûr ça ne dure pas.
Très vite il se relâche,
Les muscles du taureau lui font un tour de vache.
Son jeu devient poussif et son souffle oppressé,
Quelqu'un crie : vient papa il est midi passé !
Mais cette défaillance n'est pas assez sévère
Pour forcer le démon de midi à se taire.
En d'autres occasions il va se déchaîner
S'il invite, par exemple, une dame à déjeuner.
Car, lorsqu'il a vingt ans, l'homme est de ces ringards
Qui vous emmènent bouffer en vitesse au snack bar
Quand vous mourrez de faim à en être malade
Sans même vous consulter il commande une grillade.
Mais l'homme de cinquante, quand il habite la France,
Ça il vous vole jamais sur la question bouffetance.
C'est l'âge où, tout à coup, il dit à sa compagne
Qu'avec certains menus il faut boire du champagne.
Il vous commande des plats avec des tas d'épices
Quand il y a de la volaille il vous propose la cuisse
Et s'il y a des radis comme il a de la jujotte
Il ne vous propose pas nécessairement la botte
(Enfin, pas tout de suite en tout cas).
Enfin quoi, il sait vivre, son ventre est rebondi !
Mais quel coup de fourchette, ce démon de midi !
Bien sûr, quand on arrive aux crèmes pâtissières,
On sent que quelquefois son foie fait des colères.
Le teint devient plus rouge et le geste plus lent,
Le pauvre gros chéri est un peu somnolent.
Mais ça ne dure pas. Un coup de bicarbonate
Revoilà le démon de midi sur ses pattes.
Même si le repas fut vraiment indigeste,
Il est toujours fin prêt pour affronter la sieste.
(Comment le reste ? on a vécu hein)
C'est bien le genre d'occasions
Où la différence d'âge rentre en compétition.
Moi, vous savez, je suis un monceau d'innocence,
Mais quelques oreillers m'ont fait des confidences
Et, d'après ce qu'ils disent,il paraît qu'à vingt ans
L'homme se croit toujours aux vingt-quatre heures du Mans.
Il est fou de vitesse et, de toute évidence,
Il veut surtout gagner l'indice de performance.
Mais l'homme de cinquante ans apprécie la nature,
Il prend son temps, même pour enlever ses chaussures.
Enlever ses chaussures, c'est d'ailleurs quelquefois
Pour un homme de son âge les coulisses de l'exploit.
Et l'exploit, par lui-même, est à fortiori
Le fruit de l'expérience du démon de midi.
Car, pour de son moteur tirer le bénéfice,
Il s'arrête quand il faut à la station service.
Femmes qui m'écoutez, soyez donc raisonnables
Si vous avez en main ce modèle admirable,
L'homme d'un certain âge, superbe dans l'effort,
Ménagez-le, surtout, sinon vous auriez tort,
Ne l'accablez jamais de passions trop avides :
Tant va la cruche à l'eau qu'a la fin elle se vide.
Souvenez-vous toujours que lorsque midi sonne,
Il est midi passé et il n'y a peut-être plus personne.
Sitôt qu'un homme est mûr, entourez-le d'égards,
Car le meilleur démon, c'est à midi moins le quart.
ANNE MARIE CARRIERE
9 comments
Annaig56 said:
Georges. said:
Régis Desailly said:
Pour le fun, une anecdote ( sportive) qui m'est arrivée vers la cinquantaine ...Dans une piscine de plein air munie d'un plongeoir de trois mètres....l'idée folle me prit d'en faire l'usage....mon fils se baignait avec ses copains copines, moi du haut de ce plongeoir (mainte et mainte fois utilisé dans mes jeunes années) fus pris d'un horrible vertige, je n'osais pas redescendre , ni même sauter, j'étais là haut comme un imbécile à attendre...lorsque mon fils et ses copains ( 15mn plus tard) ont commencé à crier" allez Papa saute, allez monsieur sautez....puis d'autres parents m'ont regardé , plus possible de redescendre grrrrr..j'ai pris mon courage à six mains et j'ai fini par sauter ( dans une position ridicule, la honte) j'ai remonté , en rentrant le ventre , l'appréhension avait disparu , et j'ai fait un magnifique plongeon ( toujours ventre rentré)
A l'époque je n'étais pas encore essoufflé pour remettre mes chaussures:-)))
Merci pour ce beau texte.
Bisous
Ferl said:
Merci pour cette anecdote si réelle, comme c'est bon de rire !
Belle fin d'après-midi. Bisous
Régis Desailly said:
Ferl replied to Régis Desailly:
Et je m'intéresse plus au fond qu'à la forme Régis...et puis tu reviens les corriger, j'ai le plaisir de te recroiser :-)
Pat Del said:
Ferl replied to Pat Del:
Hier j'étais dans un escalier à descendre lentement ménageant mes genoux et j'ai vu à côté de moi une jeune femme dévaler ce même escalier...et j'avais le même désir d'en faire autant...mon cerveau lui n'a pas changé, mais c'est le corps qui impose sa loi.
Gardons nos espoirs, ce sont eux qui nous donne le courage d'avancer encore, de désirer (dans le grand sens du terme), et de poursuivre cette route bien incertaine....et surtout gardons notre joie de vivre, notre humour alliés à l'espoir, ils allègent notre air....
Valeriane ♫ ♫ ♫¨* said: