La Sorgue
Rivière trop tôt partie, d’une traite, sans compagnon,
Donne aux enfants de mon pays le visage de ta passion.
Rivière où l’éclair finit et où commence ma maison,
Qui roule aux marches d’oubli la rocaille de ma raison.
Rivière, en toi terre est frisson, soleil anxiété.
Que chaque pauvre dans sa nuit fasse son pain de ta moisson.
Rivière souvent punie, rivière à l’abandon.
Rivière des apprentis à la calleuse condition,
Il n’est vent qui ne fléchisse à la crête de tes sillons.
Rivière de l’âme vide, de la guenille et du soupçon,
Du vieux malheur qui se dévide, de l’ormeau, de la compassion.
Rivière des farfelus, des fiévreux, des équarrisseurs,
Du soleil lâchant sa charrue pour s’acoquiner au menteur.
Rivière des meilleurs que soi, rivière des brouillards éclos,
De la lampe qui désaltère l’angoisse autour de son chapeau.
Rivière des égards au songe, rivière qui rouille le fer,
Où les étoiles ont cette ombre qu’elles refusent à la mer.
Rivière des pouvoirs transmis et du cri embouquant les eaux,
De l’ouragan qui mord la vigne et annonce le vin nouveau.
Rivière au coeur jamais détruit dans ce monde fou de prison,
Garde-nous violent et ami des abeilles de l’horizon.
René Char, extrait de Fureur et mystère, 1948, © Éditions Gallimard
9 comments
Eve replied to :
Georges. said:
Dans deux ou trois jours j'irai l'accoucher de sa mère montagne...à Fontaine de Vaucluse.
Bises Eve.
Eve replied to Georges.:
Bises
Valeriane ♫ ♫ ♫¨* said:
Annaig56 said:
j-p l'@rchéo said:
Quelques lignes, et des documents au hasard de mes pages ...
Eve replied to j-p l'@rchéo:
j-p l'@rchéo said:
www.provenceguide.com.
Eve replied to j-p l'@rchéo: