Ce jour-là, le Dynamic Club et le Plaza Club, deux des dix-sept équipes de foot-ball de Fort Dauphin, s’affrontent dans la finale de la Coupe de la ville. Un match qualificatif pour la Coupe régionale. Un premier strapontin pour le Championnat national qui se déroulera à Antananarivo, la capitale, dans plusieurs mois.
Il faut toujours positiver et se forcer à sortir de sa zone de confort. Je me dis qu’une telle rencontre sportive, c’est aussi un aspect important de la vie locale et finalement, à défaut de faire de bonnes photos, je vais me plonger dans la liesse populaire.
Sur place, je suis frappé par le stade qui ressemble à tout, sauf à une installation sportive. Je suis passé ici, quelques jours après mon arrivée, afin de constater la défaillance d’un bloc sanitaire et la défectuosité d’une tête de puit ; seul point d’eau de l’équipement. Pour moi, il s’agissait d’un terrain vague. Il avait bien les vestiges d’une tribune que je croyais abandonnée. Les fers à béton étaient encore apparents. Quant au terrain, des zébus y broutaient une herbe rare.
Et bien non ! Ce stade est opérationnel. C’est même le plus grand stade de la ville. Le maire me glisse à l’oreille, qu’il a été financé par le gouvernement de transition, il y a quelques d’années, mais il n’a jamais été terminé. Je m’en doutais un peu.
La foule est déjà nombreuse. Motocyclettes et rickshaws traversent le terrain pour se rendre au plus près de la tribune. Ambiance de fête. Les vendeurs à la sauvette sont partout. Devant, dans et sous la tribune. Certains sont sur le terrain, mais maintenant que les « officiels » sont arrivés, ils sont vite éjectés par un service d’ordre guère motivé. Il y a quand même un semblant d’organisation.
Ici, on vend de tout : brochettes de zébus cuites sur des bras zéro, poisson séché ou grillé, sodas et même des cigarette africaines. Les plus toxiques du monde. Vive le sport !
La tribune dite « tribune des officiels », a été montée avec des planches. Elle est décorée aux couleurs nationales. Le bois du plancher est gondolé et rebondit sous les pas. A chaque enjambée, je manque de trébucher et de finir au bas de la tribune. Attention, pas de faux pas, au propre comme au figuré. Aujourd’hui, on m’a affublé du titre d’ « ambassadeur ». Avec mon bob vissé sur la tête, mes lunettes de soleil et ma chemise à fleurs, il a l’air ridicule l’ambassadeur. Je n’avais pas prévu ma présence dans la tribune officielle. J’étais venu pour faire plaisir et prendre quelques photos de la rencontre. Mais Mam, le maire, a tenu à ce que je sois assis à ses côtés.
Pendant les inévitables et interminables discours (l’ancien ministre est en pleine campagne électorale), j’en profite pour observer plus attentivement le terrain. Il ne vont quand même pas jouer là-dessus ! ? Il y a plus de sable que d’herbe. Parler de gazon serait un abus de langage. Et il y a des bosses partout. En forçant le trait, pour moi, cet espace est plus adapté à un rencontre de moto-cross qu’à un match de foot. Bon, ce que j’en dit… Les malagassy s’en tapent.
rebond lié à la vestusté du terrain
Les deux équipes pénètrent enfin sur le terrain, sous les applaudissements d’une foule en délire. Finalement, cette ambiance démesurée ne me déplaît pas. Un speaker présente les joueurs qui se serrent la main, se congratulent. Ils se connaissent tous. Les adversaires d’un jour, habitent le même quartier. Ils sont souvent cousins ou ont été à l'école ensemble. Ils affichent un large sourire qui fait plaisir à voir. Contrairement à certains joueurs internationaux les malagassy de Fort Dauphin, eux, ne boudent pas leur plaisir sportif. Disputer la finale locale, c’est le début de la gloire.
Coup de sifflet et le match s’engage. Les joueurs partent comme des boulets de canon. Déjà, certains trébuchent sur les mottes de terre. Vols planés dans une envolée de sable. Le règlement ne prévoit pas de carton jaune pour les bosses.
Après quelques minutes, au regard de ma faible compétence footballistique, je réalise que ces finalistes ne sont pas mauvais. Certes, les passes manquent de fluidité. Mais la faute incombe à l’état du terrain. Le ballon a tendance à changer de trajectoire en rebondissant sur les aspérités du sol. On est plus dans une partie de billard à trois bandes. Et quand le vent se lève, joueurs et spectateurs se prennent du sable plein les yeux et les poumons.
Côté stratégie, seul l’un des deux entraîneurs s’active au bord du terrain. L’autre reste assis sur la banc de touche. Il ne se lèvera de son banc que deux fois. A la mi-temps et à la fin du match.
J’ai le sentiment que les défenseurs des deux équipes se prennent pour des attaquants. Tout le monde fonce tête baissée. Le rythme ne faiblit pas. Et il ne faiblira pas jusqu’au coup de sifflet final. Ils sont physiques et enthousiastes les gars.
Je me surprends à trouver du plaisir à assister à cette rencontre aux allures surréaliste. Moi qui n’ai même pas vu la dernière Coupe de monde en Juillet dernier, où la France à décroché sa deuxième étoile. J’avais un mot d’excuse. J’étais au Mexique avec 7 heures de décalage horaire.
Je ne vais pas commenter le match malgache, je n’en ai pas la compétence. Mais aux deux tiers de la première mi-temps, alors que le gardien du Plaza Club avait fait plusieurs arrêts spectaculaires, il est pris en traître par… Le terrain. A la suite d’un tir catapulte, mais approximatif du capitaine de l’Olympic, c’est un faux rebond sur une motte de terre qui inscrit le premier but. Délire dans la tribune des supporters de l’Olympic. Même enthousiasme chez les supporters du Plaza, qui sont là pour le plaisir. La compétition semble reléguée au second plan. Un but, c’est toujours bon à prendre. Même si c’est l’équipe adverse qui marque.
Les joueurs du Plaza ne contestent même pas ce but, pour le moins douteux. « On fait avec les moyens du bord », me dira plus tard, l’un des joueurs. Ceux qui se sont pris le point, pensent qu’ils ont encore le temps de remonter au score. Il n’en sera rien. Score au coup de sifflet final : 1 à 0. L’Olympic remporte la coupe du Championnat de Fort Dauphin et gagne son billet pour sa participation au Championnat régional. Malgré la somme d’argent généreusement accordée au club vainqueur par le candidat à la députation, ils iront disputer le premier tour des qualifications... En camion benne. A 300 km d’ici. La cagnotte n’est pas suffisante pour s’offrir un bus. D’ailleurs des bus d’une cinquantaine de places, il n’y en a pas dans la région. Pour l’Olympic, l’aventure ne fait que commencer. Il rêve déjà d’un titre national. Tous les espoirs sont permis.
6 comments
Pat Del said:
Excellent reportage - sans concessions - de ta part !
Jean-luc Drouin replied to Pat Del:
Guydel said:
Nicole Coutens said:
Mais ton témoignage est le reflet que l'esprit sportif existe bel et bien, qu'il est indépendant des moyens matériels pour peu qu'on l'en tienne à l'ecart :)
Merci pour cet article !
Diana Australis said:
Annaig56 said: