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Kobo H2O
Comme je me servais beaucoup de mon ancienne liseuse, mes enfants m’ont acheté pour Noël la Kobo H20, qualifiée un peu partout par des blogueurs complaisants et rémunérés de « Rolls des liseuses ».



Je trouve cette appellation un peu abusive, si la métaphore de la Rolls doit évoquer une machine presque parfaite, parce qu’on est loin de la perfection, et que les bugs devenus proverbiaux de Kobo-la-Gaffe sont toujours au rendez-vous. S’il s’agit seulement de dire que la machine est la plus chère de sa catégorie, je me tais. Je dois tout de même avouer que l’affichage est de très belle qualité et supérieur à ce qu’offre la concurrence. Or la qualité de l’affichage est quand même l’essentiel dans une machine qui sert essentiellement à afficher du texte. L’absence de tout bouton de commande (étanchéité oblige) est en revanche un manque, et le logiciel est d'une ergonomie déplorable, avec des sous-menus à n’en plus finir pour la moindre recherche.

Quand on me l’a offerte, j’ai fait remarquer que je ne prenais plus de bains depuis l’âge de six ans, et que, même si je lis vraiment beaucoup, j’arrive tout de même à m’en passer sous ma douche quotidienne. Mais il semble que dans un contexte généralement involutif, les jeunes recommencent à prendre des bains et que l’étanchéité d’une liseuse soit un argument de vente. Contrecoup d’une vie où chacun se plaint d’être toujours plus « surbooké » (c'est-à-dire dépassé par la situation de panique créée par l’idée qu’il est débordé de travail – sauf pour les chômeurs qui ne connaissent pas leur chance). Cette partique voluptueuse devrait pourtant embarrasser leur bonne conscience écologiste.

Mais même si, quant à moi, je ne patauge plus dans la baignoire avec un petit canard depuis longtemps, je me serais attendu à un certain stoïcisme, sinon à un comportement vaillant, voire triomphaliste de la part de la machine quand on l’expose à l’eau. Las ! quand je l’effleure avec une manche de chemise, elle affiche le message cité ci-dessus. Je l’ai reproduit pour les besoins de la photo en utilisant quelques gouttes d’eau pour qu’on comprenne, mais d'habitude il apparaît en l'absence totale d'eau dans l'environnement immédiat.

Donc, dès que la machine est mouillée, cette machine étanche vendue pour que la jeunesse, qu’on sait si vorace de lecture, puisse continuer de vivre sa passion jusque dans sa baignoire (car vous avez dû remarquer que nous vivons au temps de la passion, généralement provoquée par l’achat d’une automobile neuve ou d’un nouveau yaourt qui doivent changer votre vie), elle se met en alarme avec cet avertissement pusillanime :

L’eau peut engendrer des effets inattendus. S’il y en a sur votre écran, merci de l’éponger. L’enlever en secouant fonctionne également.

J’imagine que ce message peut décourager les lecteurs-baigneurs qui se promettaient tant de voluptés en achetant un Kobo H20.

La formulation merci de l’éponger me rend également perplexe. On dirait que les programmeurs de Kobo veulent nous faire croire qu’ils sont dans la machine et que l’eau les gêne personnellement. Moi qui ai connu l’informatique depuis ses débuts et qui considère ces objets prétendus intelligents comme des outils non différents essentiellement d’un marteau ou d’un tournevis, je m’étonne qu’ils veuillent me parler, même pour me remercier.

Décidément, je vis de plus en plus ce début de XXIème siècle comme une pongée au pays des cons, qui, heureusement ne s’éternisera pas.

9 comments

Alain Raffin said:

Beaucoup d'humour et de réalisme !
9 years ago ( translate )

François Collard said:

Merci.
9 years ago ( translate )

Mila said:

Rires. De toute façon, je n'ai pas lu qu'un seul livre sur écran. Préfère le papier.
9 years ago ( translate )

François Collard said:

Les vraies liseuses ne sont pas des écrans, mais du "papier électronique", qui est beaucoup plus confortable. Pour moi, je préfère ce support au papier, parce qu'il est plus lisible. Notamment, quand on lit en plein soleil, on n'est pas ébloui comme on peut l'être par une page de papier, et l'on peut ajuster la police de caractères selon ses goûts. La photo ne donne d'ailleurs pas une bonne idée du confort de lecture, mais les gens qui découvrent les liseuses sont toujours étonnés par la ressemblance avec un texte sur papier.

Toutefois la qualité varie selon les modèles : la liseuse Nolim de Carrefour par exemple, a un affichage très médiocre (du moins sur un modèle que j'ai dû rendre au magasin tellement l'affichage était moins bon que celui de Kobo).

Le seul inconvénient est une certaine lenteur, du fait de cet affichage, constitué de millions de points de cristaux liquides microscopiques dotés d'une certaine inertie.

Contrairement aux dispositifs à écran comme les tablettes ou les téléphones, la consommation d'électricité est extrêmement faible : les cristaux utilisés restent dans un état blanc, noir (ou différents gris) sans consommer d'électricité, l'éclairage se limitant comme pour le papier à la lumière ambiante. En théorie, il suffit d'une recharge par mois, ou même, quand on branche souvent l'appareil sur l'ordinateur, on peut se contenter de la recharge reçue à cette occasion.

Autres avantages : la faible épaisseur de l'appareil, même quand on lit un gros livre, le fait qu'on n'est pas gêné par la deuxième page qu'on ne lit pas, la possibilité d'avoir des milliers de livres dans la liseuse, et d'en acheter instantanément même si on habite comme moi dans un village.
9 years ago ( translate )

Mila replied to François Collard:

Merci pour le renseignement exhaustif et expert. Mais une vicieuse qui aime écorner et marquer avec les ongles ses pages préférées ...
Comme je lis toujours les mêmes livres, ça économise le temps.
Ne soyez pas scandalisé: ce traitement n'est pas appliqué aux livres de bibliothèque. :-)))
9 years ago ( translate )

François Collard said:

Je ne suis pas du tout bibliophile, de toute façon, et j'ai toujours utilisé les éditions les moins chères pour n'avoir pas peur de les abîmer. On peut aussi marquer une page sur un ebook (il suffit de toucher le coin), marquer un mot, mais sur le Kobo c'est mal fait. Leurs programmeurs ne sont pas doués, et on dirait que ça ne les intéresse pas vraiment.

Mais la liseuse est quand même un peu la réalisation de mes rêves d'enfant : nous lisions beaucoup, et nous rêvions en particulier de ne pas être gênés par l'autre page du livre quand nous lisions allongés. Mon frère a même un jour bricolé un support de livre pour lire au lit…

Le vrai inconvénient est la lenteur des recherches.
8 years ago ( translate )

Mila replied to François Collard:

:-)))J'utilise comme dispositif pour lire dans le lit la table de petit déjeuner, à qui j'ai enlevé les bords. Et le peu de livres que j'ai chez moi sont en édition "poche". Sauf les albums de peinture...
8 years ago ( translate )

Mila said:

Pour moi-c'est de trouver quoi lire.
Je n'exagère pas en disant que les livres m'intéressaient toujours plus que la vie dite « réelle ».Ils se situent un peu devant autre nourriture, et j'ai vécu presque toute ma vie de cette façon , assez contente.

Aucun problème en ce qui concerne l'approvisionnement . Enfant, j'avalais tout , sans rechigner, tout ce qui était imprimé et ressemblait à un livre.

Plus tard, quand mes préférences se sont définies, j'avais suivi les écrivains préférés de mes auteurs préférés, et tout allait bien.

Jusqu'à ce que j'arrive en France.

Où, à part les classiques, lus en traductions ,en russe, je ne connaissais personne.

C'était un plaisir de les relire en français, mais, avec ma sélectivité de l'âge déjà mûr, c'était vite fait.

Et puis, je voudrais lire les auteurs contemporains, vivants, je voudrais comprendre les gens parmi lesquels je vivais et travaillais.

La quantité de ces auteurs m'étonnait : j'ai eu l'impression que tout le monde ici publie des livres . L'essai de les lire au hasard m'a découragée, je suis tombée sur les mauvais..

J'ai ramé beaucoup avant de découvrir ceux qui me convenaient , comme Desproges, Vian, Cavanna, Emmanuel Carrère , Christian Bobin...

Et tout dernièrement, Aragon.

Les chroniques « objectives » dans la presse ne me convainquent pas, et en général, l'objectivité ne m'intéresse que moyennement, je ne lis pas les livres mais les auteurs.

Ceux que j'aime.

L.
8 years ago ( translate )

François Collard said:

J'imagine que la situation serait la même si je devais tout à coup lire seulement des auteurs roumains. Je n'en connais presque aucun. Sauf des noms comme Tzara – mais j'en sais le minimum, car le surréalisme ne m'intéresse plus depuis que je n'ai plus à faire des cours là-dessus et même me paraît avoir eu une influence néfaste à long terme sur l'art et sur la pensée ; quant à Cioran, je l'ai évité soigneusement parce que je n'aime pas les aphorismes ni le désespoir quand on en fait une marque de fabrique.

Sur l'acculturation d'un Roumain en France, vous me faites penser au petit livre autobiographique très attachant d'Antoine Goléa, critique musical que j'aimais bien quand on l'entendait sur France Musique dans l'émission « La tribune des critiques de disques », Je suis un violoniste raté. C'est sans doute de ces quelques pages que je tiens le peu que je sais des Roumains. C'est paru en 1973 dans la collection Idée fixe chez Juliiard. Un tout petit livre lilas tout en longueur.

Vous me donnez grande envie de le scanner, puis de le passer à l'OCR pour le transformer en texte pour en faire un ebook : je pratique cela assez souvent pour pouvoir ensuit passer le livre à des amis, en toute illégalité, puisque les éditeurs restent très jaloux de leurs propriété artistique, même pour les livres qu'ils ne prennent plus la peine de publier.

Je mets pas mal d'ebooks à cette adresse : toutbox.fr/Polutropos/Documents/ebooks et pour le mot de passe il suffit de copier-coller le nom du compte (au dessus de l'avatar en haut à gauche), qui est un des surnoms qu'Homère donnait à Ulysse (Ἄνδρα μοι ἔννεπε, Μοῦσα, πολύτροπον, ὅς μάλα πολλὰ…) Attention, ce n'est pas un choix personnel, mais souvent ce qu'on m'a demandé et ce que j'ai trouvé. Il y a par exemple beaucoup de romans policiers alors que je n'en suis pas féru.

Vous avez raison : tout le monde publie des livres en France, surtout ceux qui n'ont rien d'intéressant à dire et un grand nombre des personnalités des médias font écrire leurs ouvrages par d'autres. L'autre problème, c'est que comme la lecture devient un loisir marginal, les gens qui continuent à s'y intéresser le font plutôt pour de mauvaises raisons, et en particulier le snobisme.

En ce siècle où l'extravagance tient lieu d'invention, quand on n'écrit pas des best-sellers calibrés pour la vente, ce sont des grimoires illisibles.

Il y a aussi une tendance, née de la vogue de la psychanalyse, que je remarque en particulier chez les filles et fils de famille, à raconter au lecteur ses histoires d'enfance, ses rancunes contre papa ou maman, pour régler des histoires qui devraient rester personnelles. C'est sans doute moins coûteux que les honoraires d'un psychanalyste, et ça peut même rapporter si les lecteurs se laissent prendre par la publicité faite sur les médias par les copains.

Décidément, j'ai grande envie de scanner le petit livre de Goléa. Ça, c'est de l’autobiographie intéressante. Mais il y a beaucoup de mots roumains qui vont embarrasser mon OCR, et beaucoup de notes de bas de page qui ralentiront le travail…
8 years ago ( translate )