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Bonne fête à tous les pères

Aujourdhui nous célébrerons la fête des pères et pour l'occasion, je vous partage la chronique de Stéphane Laporte.

Mon père est mort le 20 janvier 2000. Après les funérailles, il a été incinéré. Ses cendres ont été déposées dans une urne. Ma mère l’a placée sur la tablette de la cheminée, dans le salon. À quelques pouces de l’endroit où mon père a passé le plus de temps, dans la maison, allongé devant le feu de foyer. On s’est dit qu’au printemps, on allait enterrer ses cendres au cimetière, devant la pierre tombale.

Le printemps est venu:

« Maman, faudrait bien enterrer Papa…
– Oui, oui… »

Ma mère ne semblait pas pressée. L’été a passé. Papa est resté dans le salon. On s’est dit qu’on allait le faire, le 4 novembre, jour de son anniversaire. L’hiver a passé. Papa était toujours sur le foyer. On s’est dit qu’on allait le faire l’été suivant. Les étés se sont succédé. L’urne n’a pas bougé.

Au début, je trouvais ça étrange de voir ce qu’il restait de Papa, chaque fois que j’allais visiter Maman. Puis je me suis habitué. Puis je me suis dit que Papa devait être content.

Mon père n’aimait pas sortir. Il était bien chez lui. Il n’a jamais vu New York, ni Paris, ni Londres, ni Bangkok. Le plus loin qu’il est allé, c’est à Kennebunk. Forcé par ma mère, pour que les enfants puissent se baigner dans la mer. Le reste de l’année, il était dans la maison. Le matin, il allait travailler et le soir, il revenait au domicile. Les week-ends, il les passait entre la chambre et le salon. Son monde, c’était ça. Mon père ne faisait pas de rêves. Mon père s’en faisait, tout court. Il s’en faisait pour l’argent. Il s’en faisait pour les enfants. Il s’en faisait pour Maman. Il était toujours chez lui, comme un sauveteur est toujours assis dans sa chaise de surveillant de baignade. Prêt au pire. C’était sa façon de se rassurer. De vivre son anxiété. On aurait bien aimé qu’il s’active un peu. Qu’il joue avec nous. Qu’il accompagne ma mère dans toutes ses passions. Dans ses voyages, dans ses musées, dans ses théâtres, à ses cours de taï chi. Ça ne lui tentait pas. Son rôle à lui, c’était d’être là, quand on revenait de nos joies :

« Pis comment c’était ?

– C’était vraiment le fun ! »

Il souriait. Il était content. Pour lui, c’était assez. C’était comme s’il avait été avec nous. Heureux comme un sauveteur, quand il n’a pas eu à se lever de sa chaise de la journée. Ça veut dire que tout s’est bien passé.


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