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Wishbone Ash, Savigny-sur-Orge, 11 avril 2014
Mes oreilles commencent lentement à cesser de siffler et un sourire rêveur s'efface lentement de mon visage. J'ai aussi quelques courbatures à force d'avoir marqué le rythme. Mais l'énigme Wishbone Ash demeure.

Et d'abord, ce ne sont plus les mêmes interprètes que sur "Argus", mis à part Andy Powell, chemise à manches courtes, crâne rasé, lunettes noires et gros biceps. Il introduit les morceaux et assure le lead singing. A ses côtés, un bassiste à casquette, Bob Skeat, qui m'a fait mieux prendre conscience des jeux entre basse et guitare chez Wishbone Ash. Je n'ai pas trop compris, par contre, pourquoi il nous tournait le dos pour regarder le percusionniste. Peut-être déçu par l'aspect clairsemé de la salle savinienne ? En deuxième guitare, la marque de fabrique du groupe, Muddy Manninen, un grand dégingandé très british, qui joue souvent avec un stick. C'est lui qui assure les solos lyriques et les effets genre pédale wawa.

Grande variété des registres, comme toujours chez Wishbone Ash, mais toujours avec la marque de fabrique du groupe. Du blues. Du rock à la ZZ top. Des chansons à boire galloises, du prog' (probablement ce qui me touche le plus, notamment les morceaux les plus instrumentaux), mais aussi du metal à la Led Zeppelin. Un passage reggae sur lequel se plaquent comme naturellement des guitares prog.

Souvent, les trois lignes des deux guitares et de la basse se mêlent en un échevau celtique, se brouillent pour devenir une sorte de magma sonore d'où émergent quelques effets fulgurants, puis brusquement la basse reprend un son très rond, millimétré, le rythme ralentit, et les guitares reprennent leur place dans un thèe facile à suivre. C'est lorsque tout accélère que la formidable synchronisation des guitares, le raffinement des entrelacs donne le vertige et perd l'auditeur.

Mais ce serait ridicule de cantonner Wishbone Ash au prog', tant on retrouve, au détour de tel ou tel morceau, des sonorités empruntées à Hendrix, Led Zep ou bien d'autres. Hommage plutôt que pillage, et nostalgie. Et toujours ce côté un peu préhistorique à cheval entre le metal à venir et les années 1970. Une musique résolument ailleurs, mélodique souvent, symphonique par instants, rythmique toujours.

Je n'ai pas parlé du batteur, me direz-vous. Il faut bien dire que la batterie est la dernière roue du carosse dans ce groupe. Ses solides sections rythmiques n'ont d'autre but que de fournir un cadre sur lequel nos trois guitares peuvent développer les motifs de leur tapisserie musicale. C'était vraiment chouette de pouvoir observer leurs mains, leurs jeux de scène, leurs manières de se regarder, de se sourire d'un air complice.

J'étais heureux d'y être. Les acouphènes vont bien finir par partir, et le mystère reste entier.


De gauche à droite : Muddy Manninen, Andy Powell, Bob Skeat.