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Films pour midinette ?

Il n'y a pas tant que ça de films qui me pincent le coeur et m'embuent la rétine. En général j'essaie de garder le regard clinique du critique de cinéma amateur, qui se laisse porter par l'histoire juste assez pour sonder la profondeur de l'univers du cinéaste, sa capacité à créer des images évocatrices à partir d'éléments disparates.

Parfois la froide raison s'endort, et il est difficile de ne pas se laisser porter par son coeur de midinette. Comme la fin de Casablanca, qui est devenue l'archétype du dénouement de mélo dans l'imaginaire du spectateur amateur de classiques.

Il y a deux films que je n'ai vus qu'une fois, mais qui m'ont vraiment ému. Ce n'est pas seyulement que l'histoire m'a remué : c'est aussi que dans la plupart des séquences, on sent le profond amour des réalisateurs pour un certain type de cinéma à l'ancienne, et aussi une forme de conscience que cette cinéphilie est appelée à disparaître devant les nouvelles exigences commerciales de l'industrie du divertissement. Bref, les deux films auxquels je pense sont '"Il était une fois en Amérique" de Sergio Leone, et "Brazil" de Terry Gilliam.



Cette reconstitution d'un univers agité par des règles mécaniques, parfaitement chorégraphiée en un plan séquence qui enchaine travelling arrière puis travelling avant donne l'impression d'un monde qui s'anime dès que la caméra passe devant. Voilà quelque chose qui rappelle beaucoup la manière de tourner des studios de l'âge d'or d'Hollywood, par exemple d'un Joseph Von Sternberg dans "Shanghai Express".



Au début de la séquence, le théatre d'ombre est évidemment une référence au cinéma, et notamment au cinéma muet.

A la réflexion, la date de ces deux films n'est pas innocente. Ils arrivent à un an d'écart, 1984 et 1985 respectivement. Soit le moment de la généralisation de la vidéo, un tournant dans l'industrie du cinéma. Un moment où les gros monstres des années 1960-1970 s'effacent. Godard notamment entame sa décennie de grand n'importe-quoi, Fellini est en sur la fin, Pasolini est mort. Tiens, 1985 c'est aussi l'année de la mort d'Orson Welles. Bref, une nouvelle génération, nourrie d'Hollywood mais née avec la télévision, commence à prendre sa place, et elle est consciente d'arriver à un moment charnière.

Pour ce qui est de la forme, on peut trouver quelques points de convergence :

- Ces deux films sont servis par une bande-son assez émotionnelle, au bon sens du terme je dirais, avec à chaque fois un thème dérivé de plusieurs manières en fonction des scènes.

- Ils font tous deux des références aux films de l'âge d'or du cinéma hollywoodien : les films de gangsters des années 1930 chez Leone (notamment les polars réalistes de la Warner), un éventail de films assez disparate chez Gilliam (Casablanca, Sueurs froides de Hitchcock, et probablement pas mal de films noirs des années 1940).

- Ils se passent tous les deux dans un environnement urbain qui semble se rétrécir de plus en plus autour de l'individu. Ce dernier se débat pour trouver sa liberté, mais il n'a nulle part où aller (c'est particulièrement vrai pour Brazil). La nature n'est pour lui qu'un vague souvenir, les conventions de la société l'ont trop emberlificoté pour qu'il puisse y faire attention sinon comme à un paradis perdu. Pour résumer, sans trop en forcer le contenu, on peut dire que ces films traitent du problème de la liberté à laquelle peut prétendre l'Homme.

- Dans les deux cas la fin est sombre, mais pas gratuitement (comme souvent) : le dénouement est nécessaire pour ne pas trahir l'esprit du film. Le spectateur, pour se remettre, doit se raccrocher à l'idée que le fait même de faire un beau film, au fond, est en soi un acte d'espoir.

- Le montage est particulièrement soigné. Rien d'expérimental, mais un rythme efficace et personnel. Le va-et-vient entre les époques est au départ assez déroutant chez Leone, tandis que le rythme souvent frénétique de Gilliam tantôt est jouissif, tantôt met les nerfs à rude épreuve.

- Ce que je trouve de plus émouvant, c'est que ces deux films ont été tournés en studio, avec une liberté de création que l'on ne ressent plus aujourd'hui : de nos jours tel film est prévu pour tel public, donc reçoit tel budget, fait appel à tels techniciens reconnus dans le genre (histoire de rassurer les actionnaires), etc... Décors, accessoires, on sent dans ces deux films que le réalisateur s'est reposé sur des gens du métier qu'ils connaissaient et qui savaient ce qui était recherché. Au final on n'a pas une représentation ultra-réaliste, comme c'est la mode, mais un monde évocateur, hanté de rêveries d'enfance, avec des accessoires bizarres, intriguants, qui semblent sortis d'un bazar, ou, dans le cas de Gilliam, d'un cerveau dérangé et créatif.

Les différences sont bien sûr indéniables. Visuellement, Brazil est plus novateur et iconoclaste, tandis qu'"Il était une fois en Amérique" est plus classique. Le premier se veut léger et brillant, le second est magistral.

Tiens, De Niro est dans les deux films, je n'avais même pas réalisé. Décidément, avant d'être devenu un gros beauf, il aura vraiment été partout où il fallait. Tiens, d'ailleurs j'aurais pu ajouter "Voyage au bout de l'enfer", où il joue aussi, mais si on commence à essayer de faire une liste précise, on n'est pas couchés.

Un article sans conclusion (et un peu bâclé), je voulais juste poser quelques notes au passage.

4 comments

zardoz replied to :

JE vais éditer cet article, je l'ai écrit vite fait et il est mal rédigé.
14 years ago ( translate )

zardoz said:

Voilà comme ça c'est mieux.
14 years ago ( translate )

zardoz said:

Ho oui, plutôt deux fois qu'une, j'ai les yeux très très sensibles. ^^
14 years ago ( translate )

zardoz said:

hum, heu je ne dis rien pour ne pas blesser Antigone au cas où elle passerait.
14 years ago ( translate )