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Viki, mon ami
New-Delhi (Inde) - Je rencontre Viki pour la première fois en 2008. Il a à peine 16 ans. Il cire et répare les chaussures à l’entrée du restaurant où j’ai mes habitudes quand je suis dans le quartier de Paharganj. A l’époque, il travaillait à même le sol. Pieds-nus. Un comble pour un cordonnier. Dès que je franchissais le seuil du restaurant, il voulait systématiquement cirer mes chaussures de trek. Des chaussures en toile.

A la fin du séjour, après un long périple au Gujarat, je passais plusieurs jours à New-Delhi avant de rependre l’avion. Viki était toujours là et avait l’air content de nous revoir. Ma femme qui venait de s’acheter une paire de chaussures en cuir lui a demandé qu’il renforce les semelles. Il a fait du bon travail. Elle lui donné un gros billet. Nettement plus que ce qu’il demandait. Moi, je lui ai offert mes chaussures de marches que j’envisageais de changer. J’ai eu l’impression que je lui donnais un lingot d’or.
Le gamin qui parlait plutôt bien l’anglais appris dans la rue, nous a raconté son histoire. Il avait quitté 3 ans plus tôt sa famille originaire d’Agra pour, à défaut de faire fortune, pour tenter tout simplement de gagner sa vie à Delhi.
Je suis revenu en Inde l'année suivante. Il était toujours là. A mon départ, je lui ai donné 100 euros. Mauvais idée. Il s’est mis à jouer, à parier et à prendre des stupéfiants. Ses amis du quartier s’inquiétaient pour lui.


Quand je l'ai revu quelques mois plus tard, je lui a fait la morale sans grande conviction. Je le revoyais pratiquement chaque année et assistais impuissant à sa descente aux enfers. Je l’invitais régulièrement au restaurant qu’il puisse avoir un vrai repas, mais je ne lui donnais plus d’argent.
Puis en 2016, il semblait remonter la pente. Il avait trouvé un travail de manutentionnaire. Il était sorti de la drogue et commençait à mettre de l’argent de côté. Informations confirmée par l’un de ses amis chauffeur de taxi qui l’avait pris sous son aile.
Il avait pour projet de devenir chauffeur de rickshaw. Sa maitrise de l’anglais lui permettrait de travailler avec les touristes. Je lui ai redonné une centaine d’euros pour l’aider à louer un rickshaw, précisant que s’il utilisait l’argent pour jouer ou se droguer, il ne faudrait plus compter sur moi.
Cette photo a été prise l’année suivante en 2017, devant son véhicule (à droite sur la photo). Il avait tenu parole en menant son projet à terme. Il était devenu chauffeur de rickshaw. Cette année là je lui ai loué ses services pendant 3 jours. A chaque fois je lui donnais le double de la somme qu’il me demandait. Cette même année je lui ai envoyé 3 couples d’amis qui l’ont fait travailler plusieurs jours.
Lorsque je l’ai revu la dernière fois en octobre 2018, il ne louait plus de rickshaw et était devenu propriétaire d’un vélo-pousse, payé 500 euros d’occasion. Il m’a dit que le prix des carburants et la location du tuk-tuk l’obligeaient à travailler plus de 20 heures par jour. Et de peur qu’on ne lui vole son véhicule, il dormait dans son minuscule véhicule. Avec son vélo-pousse, même si le travail est plus pénible physiquement, il dégageait une meilleure marge. Il pouvait envoyer de l’argent à ses parents et à sa soeur restés à Agra, qu’il n’avait revus qu’une seule fois depuis 2008.
Je ne l’ai plus revu depuis 2018. Lorsque je suis passé brièvement à New-Delhi en octobre 2023, il n’était pas là. Je me suis inquiété pensant qu’il avait peut-être été victime du Covid ? Mais un de ses collègues m’a dit qu’il était reparti dans sa famille à Agra au moment de la pandémie, mais qu’il devait revenir travailler à New-Delhi. J’espère le revoir quand je retournerai en Inde.


Jean-Luc Drouin



5 comments

Annaig56 said:

une bien belle histoire et tu l'as encouragé à se sortir de l'enfer
3 months ago ( translate )

Typo93 said:

On ne peut que lui souhaiter bonne chance et bon courage.
3 months ago ( translate )

ROL/Photo said:

Bien belle histoire pour lui comme pour toi
tu as su donner de toi .. mais aussi pécuniairement,
un peu comme à un fils..!
(tu te fais du soucis pour lui)
3 months ago ( translate )

Jean-luc Drouin replied to ROL/Photo:

C'est vrai que je me fais du soucis pour lui. J'aimerais bien qu'il s'en sorte définitivement. Ce pays est tellement difficile pour les pauvres, qu'ils ont vite fait de sombrer. C'est d'autant plus difficile quand on est un ancien toxicomane.
3 months ago ( translate )

Jeanne chevillard said:

Très belle histoire la vie n'est pas toujours facile .
2 months ago ( translate )